L’histoire de Carven, c’est avant celle d’une femme pas comme les autres, Carmen de Tommaso, qui dans le Paris du début du XXe siècle, ne trouvait pas des tenues adaptées à sa morphologie. Petite et menue, cette native de la Vienne née un 31 août 1909 décide alors de fonder sa propre maison de couture : elle la baptisera Carven.

Contraction de son prénom et du nom de famille de sa tante, Boyrivien, ce nom devient d’emblée synonyme de grandes ambitions.

L’histoire de Carven ou la mode des Trente Glorieuses

Nichée au 6 Rond-Point des Champs-Elysées, la marque connaît d’emblée le succès avec une première collection baptisée “Ma Griffe”, dont les robes d’été en cotonnade rayée séduisent rédactrices de mode et célébrités. Michèle Morgan, Edith Piaf ou encore Anne-Aymone Giscard d’Estaing feront partie de ses premières clientes mais aussi de ses plus fidèles.

Dès 1946, le prêt-à-porter se double des parfums "Ma Griffe" et "Robe d’un soir", avant d’être rejoints par les mailles, les maillots de bain ou encore les collections enfant. Rapidement, la mode Carven s’exporte à l’internationale et fait l’objet de présentations privées aussi bien au Brésil qu’en Iran, la marque se chargeant également de la confection d’uniformes de certaines compagnies aériennes.

Dans les années 70, Carven habille tout le monde (ou presque) et la marque est mandatée pour concevoir les tenues des sportifs français aux Jeux Olympiques de Montréal et celles du personnel de l’aéroport Roissy Charles de Gaulle lors de son inauguration. Par la suite, la maison étoffera son offre d’une ligne masculine, de bijoux et de foulards, multipliant les contrats de licence.

Mais en 1993, alors qu’elle est âgée de 84 ans, celle qu’on appelle Madame Carven quitte sa propre marque, présageant d’un certain déclin de la maison. Angelo Tarlazzi, Edward Achour… les directeurs artistiques se suivent sans parvenir à relancer la belle endormie.

Il faudra attendre le talentueux Guillaume Henry qui, dès 2010, réinscrit la marque dans l’air du temps avec panache, le designer français excellant dans l’art d’imaginer des pièces hautement désirables. D’Inès de la Fressange à Beyoncé : toutes plébiscitent le Carven nouveau, comme en témoignent l’ouverture de plusieurs flagships à travers le monde.

En 2015, c’est le duo Alexis Martial et Adrien Caillaudaud qui prend la main, sans grand résultat, quelques mois avant le décès de Madame Carven. Ils seront remplacés en 2017 par Serge Ruffieux qui, peinant à convaincre, quittera ses fonctions un an plus tard.

Le style Carven : un vestiaire optimiste et libéré

Résolument moderne, la femme Carven se distingue dès le lancement de la marque par un style féminin au pragmatisme presque avant-garde. Courte, sans manche et coupée dans une cotonnade rayée verte et blanche, sa première robe est d’ailleurs d’emblée un best-seller.

Frais, pimpant, bucolique et enthousiaste, le style de ces collections par ailleurs spécialement conçues pour les “petites tailles” détonne par son optimisme contagieux. La seconde guerre mondiale vient de se terminer et les Françaises ont un irrépressible besoin de légèreté. Une envie à laquelle Carven saura répondre saison après saison avec créativité, convoquant vichy printaniers, motifs ethniques mais aussi broderies anglaises et batiks indonésiens.

Les coupes font la part belle aux dos-nu, aux épaules dégagées ou encore aux décolletés, libérant des corps féminins en pleine émancipation. Les successeurs de Madame Carven seront également attachés à cette silhouette si singulière, certains comme Guillaume Henry sachant particulièrement répondre aux besoins de la femme citadine à coups de best-sellers iconiques, comme le sweat logotypé, les imprimés Toile de Jouy détournés ou encore le manteau oversize rose poudrée.

Carven est mort, vive Carven !

Suite au départ peu surprenant de Serge Ruffieux, c’est le studio créatif qui reprend le flambeau. Le but ? Assurer la continuité artistique de la marque qui traverse alors une période des plus délicates. En redressement judiciaire depuis mai 2018, Carven est en effet au bord de la liquidation.

Reprise de justesse par le groupe chinois Icicle, la maison n’a cessé de présenter des nouvelles collections de prêt-à-porter et d’accessoires tout en optant pour une communication plus discrète. Un nouveau directeur artistique devrait être nommé en 2020, voire en 2021, selon la direction. Qui saura reprendre le flambeau de Madame Carven près de 75 ans après la création de la maison ? Les paris sont ouverts.