Enquête sur les violences sexuelles à l’hôpital : quelle est la situation à La Réunion ?

Le CHU de La Réunion.
Une vaste enquête a été lancée par l’Ordre National des Médecins sur les violences sexuelles dans le milieu médical. A La Réunion, les étudiants infirmiers s’en réjouissent et espèrent des actions. Dans les hôpitaux, un syndicat a mis en place des "sentinelles" qui permettent de "libérer la parole" et "d'accompagner les victimes jusqu'à la plainte". Les médecins libéraux aussi sont mobilisés.

"Libérer la parole", "permettre des actions", "protéger les victimes" : devant les locaux de l’IFSI, l’Institut en formation de soins infirmiers, les étudiants réunionnais saluent la vaste enquête lancée par l’Ordre des médecins sur les violences sexuelles dans le milieu médical.

"Personne n'en parle"

"Il y a des violences sexistes et sexuelles dans le milieu médical, mais personne n’en parle", constate Manon, élève en deuxième année à l’IFSI, à Saint-Denis. C’est bien de délier les langues".

Aux portes de l’IFSI à Bellepierre, à deux pas du CHU de La Réunion, les étudiants infirmiers saluent uninimement la vaste enquête lancée par l’Ordre National des Médecins. Elle doit permettre de "mesurer l’ampleur du phénomène des violences sexuelles dans le milieu médical". Près de 285 000 médecins et internes ont reçu un questionnaire à remplir en ligne de manière anonyme.

Regardez le reportage de Réunion La 1ère :

Enquête sur les violences sexuelles à l’hôpital : personnels et syndicats espèrent des actions.

En stage comme à l'école

"J’ai déjà entendu des histoires lors de mes stages en milieu professionnel, mais encore une fois, les gens ont du mal à en parler", reconnaît Manon.

On a tous eu des échos à l’école ou dans les structures soignantes de faits d’agressions sexistes ou sexuelles qui touchent les femmes, mais elles ont peur d’exposer ce qu’elles vivent dans le milieu professionnel.

Maëlisse, étudiante en deuxième année à l’IFSI

 Appliquer des actions

Pour ces étudiantes, les affaires qui sont révélées ne sont qu’une infime partie de ce qu’il se passe en réalité. Elles espèrent que cette enquête change les choses. C’est aussi ce que pense Vincent, étudiant infirmier de première année et aide-soignant. "En tant que soignants, on en parle, ça existe, mais les actions manquent", avoue-t-il. 

Le plus important sera ensuite d’appliquer des actions pour venir en aide aux victimes de violences sexuelles et aussi que ça soit puni à l’avenir.

Vincent, étudiant infirmier

A La Réunion, l’Ordre des Médecins encourage tous les praticiens à remplir ce questionnaire. "C’est une démarche courageuse qui cherche à faire un état des lieux pour engager des mesures et modifier les comportements, explique Alain Domercq, président du Conseil Interrégional Réunion-Mayotte de l’ordre des Médecins. Il y a de la discrimination et des violences sexuelles dans tous les métiers".

Un début de vague #MeToo à l'hôpital

Cette enquête intervient cinq mois après les révélations au plan national d’une médecin infectiologue qui dénonçait le "côté systématique du harcèlement sexuel à l’hôpital".  Cette prise de parole de Karine Lacombe a incité des victimes à parler et à déclencher énormément de réactions. Une vague #MeToo a alors commencé à toucher les hôpitaux.

A La Réunion, le milieu syndical s’est saisi du sujet il y a deux mois, à l’initiative de la CFDT Santé sociaux 974.  Quatre sentinelles ont été déployées dans les CHU Nord et Sud pour écouter et accompagner les victimes de violences sexuelles dans les hôpitaux de l’île.

Au CHU de La Réunion, depuis deux ans, les langues se délient, les femmes parlent davantage des problèmes de sexisme.

Jean-Marc Vélia, secrétaire général de la CFDT santé sociaux pour l’hôpital public

Le rôle des sentinelles

Ces sentinelles sont des femmes qui encouragent la parole, écoutent et accompagnent les victimes. "Nous sommes sur un sujet sensible et délicat, rappelle Jean-Marc Vélia, secrétaire général de la CFDT santé sociaux pour l’hôpital public. On tombe dans l’intimité des personnes". 

L’écoute entraînera la confiance, mais c’est un processus long et difficile qui demande de répéter et de se rappeler un certain nombre de souffrances vécues.

Jean-Marc Vélia, secrétaire général de la CFDT santé sociaux pour l’hôpital public

Des procédures en cours à La Réunion

Il rappelle que "60% des victimes se rétractent". Mise en place il y a deux mois, ce dispositif des sentinelles dans les CHU a déjà fait ses preuves à La Réunion. L’une d’elles a accompagné une victime jusqu’à la plainte. "Nous avons des procédures en cours", confirme Jean-Marc Vélia, secrétaire général de la CFDT santé sociaux pour l’hôpital public.

Bientôt les médecins libéraux ?

Parallèlement, les médecins libéraux de La Réunion veulent également agir. Une association de femmes médecins pourraient bientôt voir le jour pour mieux lutter contre ces violences. Selon une étude de l'association "Donner des elles à la médecine" menée en 2023 partout en France, quatre femmes médecins sur dix affirment avoir été victimes de comportements sexistes.