Environnement Pourquoi la chasse à la baleine continue dans le monde, malgré un moratoire

Malgré un moratoire adopté en 1986, la chasse à la baleine est toujours pratiquée dans le monde. L'espèce s'est éloignée de la ligne rouge de l'extinction, mais tout n'est pas gagné.

La rédaction avec AFP - 25 août 2024 à 17:42 - Temps de lecture :
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Les baleines sont « une composante extrêmement importante de la biodiversité marine », selon un chercheur. Photo Sipa/Caters

Les baleines sont « une composante extrêmement importante de la biodiversité marine », selon un chercheur. Photo Sipa/Caters

Le 22 juillet dernier, Paul Watson a été arrêté et incarcéré au Groenland, accusé par le Japon d'être coresponsable de dommages et blessures à bord d'un navire baleinier dans le cadre d'une campagne de Sea Shepherd. Depuis, les militants se mobilisent pour obtenir sa libération. Cet événement médiatique a remis la lumière sur la chasse à la baleine. Depuis 1986, cette pratique est l'objet d'un moratoire ; mais le Japon, la Norvège et l'Islande continuent de chasser ces cétacés et en tuent environ 1 200 chaque année, selon la Commission baleinière internationale (CBI). 

Plusieurs dérogations

Cet organe a été créé en 1946 pour tenter de réguler la chasse à la baleine, qui avait laissé l'espèce exsangue. Pratiquée depuis le IXe siècle, la chasse s'était industrialisée au point qu'il ne restait que 450 baleines à bosse dans le monde à l'aube des années 1950. Le moratoire mis en place en 1986 autorise plusieurs dérogations : des captures pour certaines tribus autochtones, au Groenland, États-Unis, Canada, en Russie et à Saint-Vincent-et-Les-Grenadines, mais uniquement pour une chasse de subsistance.

Une clause du moratoire controversée, longtemps invoquée par le Japon, permet aussi une pêche à visée scientifique. Mais « c'est une justification peu recevable et peu d'études scientifiques valables sont produites » à partir de cette pêche, estime Paul Rodhouse, de la Marine Biological Association en Grande-Bretagne. Après avoir été condamné en 2014 par la Cour de justice internationale jugeant que le pays détournait le moratoire, le Japon s'est finalement retiré de la CBI fin 2018 pour une reprise de la pêche commerciale en juillet 2019.

Un « effet bénéfique général »...

Le gouvernement japonais justifie sur son site internet la chasse à la baleine au nom d'une tradition remontant au XIIe siècle et pour sa « sécurité alimentaire », le pays disposant de faibles ressources agricoles.  La viande de baleine est toutefois de moins en moins consommée : après un pic à 233 000 tonnes en 1962, les Japonais n'en mangent plus que 2 000 tonnes par an.

Le moratoire « a eu un effet bénéfique général » sur les populations les plus menacées, selon Vincent Ridoux, professeur de biologie à l'Université de La Rochelle. Le nombre de baleines à bosses est aujourd'hui remonté à environ 25 000 individus, redevenant une « préoccupation mineure » dans la liste rouge de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). 

...mais encore insuffisant

Mais la « récupération est inégale d'une espèce à l'autre », souligne l'universitaire. Certaines demeurent classées « vulnérable » par l'UICN, comme le rorqual commun, « en danger » comme la baleine bleue, voire en « danger critique de disparition » pour la baleine franche de l'Atlantique nord, dont il ne resterait que 200 individus. « Le chemin est encore long » pour dire que les baleines sont hors de danger, estime Vincent Ridoux.

Ces animaux ont un rythme de reproduction très lent et sont également confrontés à d'autres risques, comme les collisions avec les navires, les filets de pêche et la pollution. Le réchauffement climatique constitue une autre menace: entre 2012 et 2021, le nombre de baleines a baissé de 20 % dans le Pacifique Nord, selon une étude australienne, en raison de la raréfaction du phytoplancton, leur alimentation principale.

« Les baleines sont une composante extrêmement importante de la biodiversité marine et elles façonnent les écosystèmes », explique Paul Rodhouse. Leur abondance « enrichit les couches superficielles en sels minéraux et en éléments minéraux comme le fer », source essentielle de nourriture pour les organismes marins, explique Vincent Ridoux. Protéger les baleines « ce n'est pas juste sauver un élément charismatique de la grande faune mais c'est maintenir un équilibre des écosystèmes nécessaire à la préservation de la santé de la nature et des humains », conclut Paul Rodhouse.

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