Italie « Monstre de Florence » : l'ADN au cœur d'un célèbre « cold case » italien

L'ADN au cœur d'un des plus célèbres « cold cases » d'Italie: une empreinte génétique inconnue a été isolée dans l'affaire du « monstre de Florence », assassin sadique de couples d'amoureux dans les années 1970 et 1980, dont deux jeunes Français.

La rédaction avec AFP - 03 août 2024 à 08:27 | mis à jour le 03 août 2024 à 21:40 - Temps de lecture :
Le « monstre de Florence » a terrorisé a ville entre les années 70 et 80. Photo Sipa

Le « monstre de Florence » a terrorisé a ville entre les années 70 et 80. Photo Sipa

C'est l'une des enquêtes les plus célèbres d'Italie. Le ou les « monstre(s) de Florence » ont terrorisé le chef-lieu de la Toscane et sa campagne entre 1974 et 1985 en assassinant 14 personnes, dont six couples, la plupart dans leurs voitures, pendant ou juste après un rapport sexuel.

L'Italie traverse alors ses sinistres « années de plomb ». La violence des mafias, des Brigades rouges et des groupes armés d'extrême droite font des milliers de morts. Plus d'un demi-siècle après les premiers meurtres, le doute se heurte toujours à la vérité judiciaire dans ce dossier hors normes qui a créé la psychose en Toscane et continue de faire le bonheur des éditeurs.

Un espoir dans l'ADN

En fait de monstre, l'hydre avait plusieurs têtes, selon la justice qui a envoyé en prison trois hommes condamnés pour leur implication directe. Mais les procès ne couvrent pas tous les crimes et la perspective de jeter une lumière nouvelle grâce à la science fait renaître l'espoir chez certaines familles, tout en suscitant la prudence des experts.

Un oncohématologue italien réputé exerçant aux Etats-Unis, le docteur Lorenzo Iovino, s'est récemment penché sur l'analyse des échantillons d'ADN prélevés sur une balle Winchester 22 long rifle retrouvée en 2015 dans un coussin appartenant aux Français Nadine Mauriot et Jean-Michel Kraveichvili, abattus dans leur tente de camping en 1985.

Le même ADN a été prélevé dans le meurtre de deux jeunes hommes allemands, Horst Wilhelm Meyer et Jens-Uwe Rüsch en septembre 1983, sans doute pris pour un couple, et celui des Italiens Pia Rontini et Claudio Stefanacci en juillet 1984. Ces découvertes pourraient s'avérer « très importantes », explique le juriste Daniele Piccione, qui a présidé une commission d'enquête parlementaire sur un volet non élucidé de l'affaire.

« Comme le Christ en croix » 

L'arme du crime - un pistolet semi-automatique Beretta - n'a jamais été retrouvée. Souvent, l'assassin lardait de coups de couteau ses proies post-mortem, commettait d'atroces mutilations sexuelles sur le cadavre des jeunes femmes.

Entachée par la rivalité entre parquet et instruction, carabiniers et policiers, l'enquête tentaculaire a suivi de multiples pistes, d'une vendetta sarde aux services secrets italiens, d'une secte à une conspiration de notables.

Finalement, un agriculteur madré et pervers sexuel, Pietro Pacciani, déjà condamné pour un homicide en 1951 et incarcéré en 1987 pour le viol de ses deux filles, est arrêté sur dénonciation. Il écope de la perpétuité en 1994, puis est acquitté en appel deux ans plus tard, faute de preuves.

Le jugement est cassé. Pacciani, qui se dit « innocent comme le Christ en croix », doit être rejugé quand il meurt, en 1998, d'une crise cardiaque à l'âge de 73 ans. Deux de ses acolytes présumés, Mario Vanni et Giancarlo Lotti, sont également reconnus coupables et sont envoyés derrière les barreaux. Tous deux sont morts depuis.

Comparaisons génétiques

Des avocats des parties civiles demandent maintenant que l'ADN identifié par Lorenzo Iovino soit comparé. Mais avec quelles empreintes génétiques?

Me Vieri Adriani, qui représente notamment les familles des victimes françaises, souhaite l'exhumation du corps de l'Italienne Stefania Pettini, assassinée en septembre 1974 avec son petit ami, Pasquale Gentilcore. « Nous savons, d'après le rapport du médecin légiste, qu'elle pourrait s'être battue avec l'assassin, et il n'est pas impossible d'imaginer que des traces biologiques soient restées par exemple sous ses ongles », a-t-il expliqué cette semaine au quotidien La Repubblica.

Pour les mêmes raisons, un ADN pourrait aussi être prélevé sur des effets du Français. Selon Lorenzo Iovino, le nouvel ADN n'est compatible ni avec celui des victimes « ni avec celui des personnes mises en cause » au fil des décennies.

Pour Roberto Taddeo, ancien avocat et auteur d'une somme sur « le monstre de Florence », il pourrait tout simplement s'agir d'une contamination génétique par des enquêteurs, des techniciens ou des légistes. Il prêche « la plus grande prudence », mettant en garde contre une tentation de « révisionnisme » judiciaire. « Pacciani n'est pas mort innocent aux yeux de la loi italienne, il est mort avant son nouveau procès », rappelle-t-il.

Un premier meurtre parfois attribué au « monstre de Florence » remonte à 1968 lorsqu'une femme et son amant sont assassinés pendant leurs ébats clandestins dans une voiture. Le mari trompé est condamné. Des années plus tard, les enquêteurs découvrent que l'arme du crime est le fameux Beretta. L'arme a-t-elle changé de main? Un innocent a-t-il payé pour un autre? Ce double homicide demeure un des nombreux mystères de l'affaire.