En 2023, 196 Nord-Coréens ont réussi à franchir la frontière ultra-surveillée de leur pays pour rallier la Corée du Sud. Mais cette année-là, un Américain a décidé de faire le chemin inverse et de chercher refuge en Corée du Nord. Pour ce trajet peu commun, Travis King va passer devant une cour martiale, vendredi 20 septembre, à Fort Bliss au Texas. Il est poursuivi par l’armée américaine pour 14 infractions, dont la désertion.

Le périple débute en juillet 2023. Le soldat de deuxième classe Travis King vient de sortir de prison en Corée du Sud, après près de deux mois d’enfermement. Il avait frappé un Coréen dans un bar puis « donné des coups de pied répétés » dans une voiture de police avant d’insulter les agents qui tentaient de l’appréhender.

Le soldat de 23 ans, qui doit être renvoyé aux États-Unis en vue d’une audience disciplinaire sur une base de l’armée américaine, se rend à l’aéroport de Séoul. Et disparaît. « À la porte d’embarquement, il a approché un membre d’American Airlines et dit que son passeport avait disparu, pour pouvoir quitter la salle des départs », avait expliqué un responsable de l’aéroport au Korea Times.

Deux mois en Corée du Nord

Travis King quitte l’aéroport et se rend dans la zone démilitarisée qui sépare les deux Corées. Il se mêle à un groupe de touristes avant de se mettre à courir et de franchir la frontière. Arrêté par les autorités nord-coréennes, il est d’abord brandi comme porte-étendard par Pyongyang, de la même façon que l’avait été avant lui Charles Jenkins, un autre militaire américain fuyant la guerre du Vietnam en 1965.

Pour la Corée du Nord, la décision de Travis King aurait été une réponse à de « mauvais traitements et à la discrimination raciale au sein de l’armée américaine ». Ce dernier aurait « exprimé sa volonté de chercher refuge (en Corée du Nord ou) dans un pays tiers, se disant déçu par l’inégalité de la société américaine ».

Les bras en apparence grands ouverts de l’État communiste se referment toutefois assez vite. Le 27 septembre 2023, sous escorte nord-coréenne, Travis King traverse le pont de l’Amitié sino-coréenne qui marque la frontière entre la Corée du Nord et la Chine. Il y est accueilli par l’ambassadeur américain en Chine, Nicholas Burns, puis regagne les États-Unis après un transit en Corée du Sud.

Si Pyongyang parle d’expulsion, les États-Unis évoquent plutôt une « intense séquence diplomatique » et remercient la Suède, qui aurait servi d’intermédiaire.

Inculpé de 14 infractions

Après avoir eu des ennuis avec la Corée du Sud puis la Corée du Nord, c’est bien le pays d’origine de Travis King qui entame des poursuites judiciaires contre le jeune soldat. Ce dernier est initialement poursuivi pour plusieurs infractions, dont la désertion, l’agression envers des camarades soldats et la sollicitation de pédopornographie.

Son avocat, Frank Rosenblatt, a finalement déclaré en août dernier que l’armée américaine l’avait inculpé de 14 infractions et qu’il plaiderait coupable pour cinq d’entre elles : la désertion, trois chefs d’accusation pour désobéissance à un officier et l’agression d’un sous-officier. En échange, l’armée devrait abandonner les autres poursuites.