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Crise de nerfs à l’algérienne : la France reconnaît la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental

Après la reconnaissance par Emmanuel Macron de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental le mardi 30 juillet, Alger a annoncé le retrait de son ambassadeur en France le même jour, marquant le début d’une crise diplomatique entre les deux pays.

François Dupuis
Emmanuel Macron et son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune au G7 le 14 juin 2024.
Emmanuel Macron et son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune au G7 le 14 juin 2024. © IPA/ABACA

Pour les 25 ans de son règne, le président de la République française a offert un beau cadeau à Mohamed VI : un message, publié via un communiqué de presse du Palais-Royal marocain, reconnaissant que « le présent et l’avenir du Sahara occidental s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine ». Le chef de l’État allant même plus loin en promettant « l’intangibilité de la position française » sur cette épineuse question, l’Hexagone étant censé agir désormais « en cohérence avec cette position à titre national et au niveau international ».

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La réaction d’Alger ne s’est pas fait attendre : un communiqué de presse de l’agence publique APS (Algérie presse service) dénonçant la position de l’exécutif et la « caution franche et catégorique au fait colonial imposé au Sahara occidental. Ce pas qu’aucun autre gouvernement français avant lui n’avait cru devoir franchir ».

Cinq jours plus tôt, l’ancienne colonie française, vraisemblablement informée par Paris qui voulait désamorcer la crise, avait déjà publié un autre communiqué rageur pour mettre en garde Paris sur toute inflexion de sa position en la matière. Le Sénat algérien n’avait pas manqué de répéter inlassablement le vieux mantra affectionné par un FLN qui s’accroche au pouvoir depuis l’indépendance en brocardant les « relents colonialistes dans les politiques du gouvernement français, qui reste nostalgique d’un passé colonial honteux, dont les horreurs et les atrocités sont encore vivaces dans la mémoire nationale et mondiale ».

Selon Xavier Driencourt, ancien ambassadeur de France en Algérie et auteur du livre L’énigme algérienne, ce revirement était assez prévisible : « Le président de la République a pesé le pour et le contre et a accepté les conditions du Maroc pour une réconciliation. La politique de rapprochement avec l’Algérie n’ayant rien donné depuis sept ans, celle-ci ayant successivement interdit l’enseignement du français, fermé 43 églises, rappelé trois fois son ambassadeur, soutenu les émeutiers l’année dernière et approuvé les tentatives d’interférence du recteur de la mosquée de Paris dans les élections européennes et législatives : imaginez un peu ce qui se passerait si l’archevêque d’Alger intervenait dans les élections présidentielles algériennes du mois de septembre ? » interroge Xavier Driencourt.

L’impasse algérienne

Précisément, la France soutient clairement le plan d’autonomie de la région, proposé par le Maroc en 2007, consistant en la création d’un gouvernement local, maître notamment de sa fiscalité, mais demeurant sous l’autorité du 24e souverain de la dynastie alaouite.
Celle-ci « constitue désormais la seule base pour aboutir à une solution politique juste, durable et négociée », alors que, jusque-là, c’était l’expression de « base sérieuse et crédible pour une solution négociée » qui était employée.

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La France était en froid avec Rabat depuis que celui-ci avait tenté de l’espionner à l’aide du logiciel Pegasus

L’ancien Sahara espagnol avait été annexé par Hassan II en 1975, pour réaffirmer son autorité sur cette vaste étendue aride mais riche en phosphates. Dans le même temps, le Front Polisario avait proclamé l’indépendance et entamé une longue guerre asymétrique jusqu’au cessez-le-feu de 1991, signé sur la promesse de la tenue d’un référendum d’autodétermination maintes fois reporté et jamais organisé.

Louvoyant entre des objectifs contraires, la France était en froid avec Rabat depuis que celui-ci avait tenté de l’espionner à l’aide du logiciel Pegasus et avait tenté une vaine politique de rapprochement avec son voisin maghrébin dans un contexte où l’Hexagone a perdu tous ses alliés au Sahel (hormis le Tchad).

Toujours selon Xavier Driencourt, « l’Algérie a fait les choix économiques de la Turquie et de la Chine, elle est très isolée en Afrique alors que le Maroc y possède une certaine influence et y déploie une diplomatie imaginative et subtile. Il ne faut pas non plus craindre une coupure des robinets du gaz dont seuls 7 à 8 % proviennent d’Algérie ».

Les crises avec l’Algérie, dont le troisième couplet de l’hymne national menace nommément la France (« Ô France ! Voici venu le jour où il te faut rendre des comptes. Prépare-toi ! »), demeurent d’ailleurs suffisamment fréquentes pour qu’il soit rébarbatif d’en dresser une liste.

Dans le cas où celle-ci prendrait des mesures de rétorsion vis-à-vis des laissez-passer consulaires, nécessaires à l’effectivité des mesures d’éloignement forcé des clandestins hors du territoire national, que la France se rassure, seules 6,7 % d’entre elles à destination de l’Algérie ont été exécutées en 2022. En cas d’escalade dans la crise, Paris dispose de leviers vis-à-vis d’Alger : les visas, l’accord de 1968 qui réglemente les migrations, l’accord de 2007 de dispense de visa pour les titulaires d’un passeport diplomatique.

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