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Dette sociale : les réformes nécessaires pour éviter le péril de notre système de santé

TRIBUNE. Selon le président de la Caisse d’amortissement de la dette sociale, l’organisme pourrait de nouveau devoir éponger la dette de la Sécurité Sociale. L’économiste Nicolas Bouzou esquisse quelques pistes pour pouvoir améliorer à l’avenir la solvabilité de notre système de santé.

Nicolas Bouzou
Dettes de la sécurité sociale.
les nombreuses dettes de la sécurité sociale. © ABACA

La question du financement des retraites est politiquement complexe mais intellectuellement simple. Il s’agit, en fonction de la démographie et de la croissance économique, de placer les curseurs (durée de cotisation, âge légal, décotes…) de telle façon que le système soit équilibré à long terme. Du strict point de vue arithmétique, c’est un problème relativement basique.

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Politiquement, la sensibilité sur cette question des retraites étant ce qu’elle est, il est toujours nécessaire de mettre sur la table une réforme assez ambitieuse, sachant que les concessions qui devront être faites pendant les grèves et les mouvements sociaux annihileront une partie des gains prévus par la réforme proposée. C’est exactement ce qui s’est produit en 2023 mais au moins, le système sera à l’équilibre ou pas très loin au moins jusqu’en 2030.

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Aussi paradoxal que cela puisse paraître, il ne faut pas viser d’objectifs financiers

La question du déficit de la branche santé est autrement plus complexe à appréhender, raison pour laquelle les Gouvernements sont réticents à réformer notre système de soin. Le sujet est socialement aussi explosif que celui des retraites mais il n’admet aucune solution simple. Il n’existe pas une série de curseurs à placer à des niveaux qui permettraient de faire passer le déficit de la branche de 10 milliards par an (approximativement son niveau actuel) à 0.

Pourtant, une telle réforme est nécessaire dans l’intérêt du pays, très au-delà des conditions financières. Notre système de santé souffre d’un déficit structurel mais aussi d’une dégradation de sa qualité, illustré notamment par la désertification de la médecine de ville, la difficulté à obtenir des rendez-vous avec certains spécialistes, le sous-développement de la prise en charge des soins psychiatriques ou les temps d’attente aux urgences hospitalières.

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Pour réduire le déficit de l’assurance-maladie, aussi paradoxal que cela puisse paraître, il ne faut pas viser d’objectifs financiers. Autrement dit, il ne faut pas mener une politique de rationnement des dépenses dans l’espoir de faire refluer ce déficit. C’est impossible tant les forces économiques, démographiques et sociétales à l’œuvre tirent la dépense vers le haut. Le soin croissant que chacun porte à sa santé, le vieillissement de la population, le coût de l’innovation rendent inimaginable et en aucun cas souhaitable une baisse des dépenses.

Quant aux recettes, elles sont indexées sur des évolutions macroéconomiques (taux d’emploi, inflation…) qui ne sont pas totalement maîtrisables. Il est donc nécessaire de s’employer à déployer une politique d’amélioration massive de l’efficacité du système, et c’est cette politique qui, à terme, permettra de réaliser des économies. Une telle politique pourrait s’articuler autour de trois piliers.

L’hôpital public souffre d’une hyperinflation procédurale qui se traduit par une absorption des moyens financiers

Le premier de ces piliers concerne la prévention. Il est désormais documenté qu’une politique de prévention ambitieuse permet d’allonger la durée de vie en bonne santé tout en diminuant à terme les dépenses de santé. Les résultats de la France en matière de vaccination des jeunes contre les papillomavirus ou de dépistage du cancer colorectal ne sont pas à la hauteur d’un pays comme le nôtre. Voilà deux leviers concrets d’efficience.

Le deuxième pilier concerne l’usage des médicaments. En la matière, il ne faut pas viser le moins mais le mieux. La mauvaise observance des traitements, en particulier pour les personnes âgées de plus de 65 ans, est délétère du point de vue sanitaire et elle coûte en soins (liés à des traitements qui n’ont pas été effectués en totalité ou au contraire à une surmédication) plusieurs milliards d’euros chaque année en pure perte. Les outils numériques pourraient aider à résoudre ce problème.

Le troisième pilier est celui de l’hôpital public qui souffre d’une désorganisation chronique et d’une hyperinflation procédurale qui se traduit par une absorption des moyens financiers dans les budgets administratifs. La gouvernance des hôpitaux devrait être modifiée de telle sorte que soient sanctionnés les directeurs les moins bons et que soient valorisés les meilleurs, autonomes, capables de mêler investissements, management, et organisation dans l’intérêt des patients et des soignants.

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Ces changements nécessitent une capacité de se projeter à long terme qui manque cruellement à nos dirigeants

Voilà trois changements qui n’ont pas comme objectif direct de réduire les déficits mais qui auraient comme conséquences à terme d’aller dans ce sens. Ces changements nécessitent une vision, une capacité de se projeter à long terme qui manquent cruellement à nos dirigeants, tout occuper à régler les urgences du jour plutôt qu’à construire le système de demain.


*Économiste et essayiste, Nicolas Bouzou a fondé le cabinet d’études économiques Asterès.

LA CIVILISATION DE LA PEUR, NICOLAS BOUZOU, XO ÉDITIONS, 224 PAGES, 19,90 EUROS.
LA CIVILISATION DE LA PEUR, NICOLAS BOUZOU, XO ÉDITIONS, 224 PAGES, 19,90 EUROS. © XO ÉDITIONS

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