Mort de Jean-Claude Gaudin, le dernier baron de Marseille

L’ancien sénateur et maire de Marseille s’est éteint ce lundi, à l’âge de 84 ans. Personnage pagnolesque, fin politique, il avait dirigé la deuxième ville de France pendant un quart de siècle.

L'ancien maire de Marseille Jean-Claude Gaudin en juin 2020. AFP/Clément Mahoudeau
L'ancien maire de Marseille Jean-Claude Gaudin en juin 2020. AFP/Clément Mahoudeau

    Gaudin est mort. Cela faisait déjà plusieurs années que l’ancien maire de Marseille (de 1995 à 2020), malgré toute son expérience, ne pesait plus ni dans sa ville ni sur la vie publique tout court. Monument politique comme il ne s’en fabrique plus guère, Jean-Claude Gaudin est mort ce lundi dans son domicile varois, à l’âge de 84 ans, comme l’a annoncé sur X Emmanuel Macron.

    Au crépuscule de sa carrière, l’homme, si souvent habillé de son costume bleu foncé à fines rayures, aimait à se décrire avec malice comme un « dinosaure ». Une flatterie pour lui-même : exaltation du cuir épais de celui qui a roulé sa bosse et d’une longévité aux affaires à en faire pâlir beaucoup.

    Né en 1939, le fils de Mazargues, quartier populaire de la cité phocéenne, avait commencé tôt. Il a 25 ans quand, en 1965, il est élu pour la première fois conseiller municipal de Marseille, dans le sillon du géant de l’époque, Gaston Defferre. Le jeune Gaudin continuera d’exercer comme professeur d’histoire-géographie dans le privé une quinzaine d’années, mais c’est par la politique qu’il cherchera réellement à entrer dans les annales.

    À 39 ans, il pénètre à l’Assemblée nationale, drapé d’une nouvelle écharpe tricolore. Ensuite, pêle-mêle, le fils de maçon devient conseiller général puis patron de la région, maire du 4e secteur de sa ville, entame une carrière hachée de sénateur avec laquelle il ne rompt qu’en 2017.

    « C’était quelqu’un qui arrondissait les angles, un arrangeur »

    La loi sur le cumul des mandats lui impose alors de choisir entre le Palais du Luxembourg, dont il est devenu vice-président, et son fauteuil de maire de Marseille, avec vue sur la Bonne Mère. La question ne s’est pas vraiment posée. Sous Jacques Chirac, il aura aussi été un éphémère ministre de l’Aménagement du territoire (1995-1997). Comme Gaston. Issu de l’UDF (le parti centriste), il prend part à la fondation de l’UMP en 2002 et en devient un des vice-présidents.

    Qu’en retirer ? « C’était un sénateur très politique, pas un technicien, quelqu’un qui arrondissait les angles, un arrangeur », se rappelle son collègue, le sénateur LR des Hauts de Seine Roger Karoutchi. Un politique madré, courtois et jamais avare d’un bon mot. Le Sénat se leva de façon unanime pour l’applaudir lors de la dernière séance qu’il avait présidée, tirant à cet homme réputé pudique et secret des larmes inédites.

    « Un pur opportuniste », avait un jour lâché, de son côté, Patrick Mennucci, figure socialiste de Marseille. Gaudin n’avait-il pas noué un pacte avec le Front national pour emporter la région en 1986 ? « Un accord technique », a toujours balayé l’intéressé, goûtant généralement peu ce rappel des faits.

    À Marseille, Jean-Claude Gaudin a eu plusieurs dauphins, de l’éternel Renaud Muselier à Bruno Gilles ou Martine Vassal. Aucun n’a été en mesure de lui succéder ; certains diront qu’il s’est appliqué à les faire échouer.

    « J’ai pas tout bien fait, je le sais, mais j’y ai mis du cœur »

    Passionné d’histoire, il a toujours été extrêmement soucieux de l’empreinte qu’il laisserait dans la mémoire collective. Une inquiétude devenue obsession au moment de céder les rênes de « sa » ville. Le drame de la rue d’Aubagne de novembre 2018, l’effondrement de ces immeubles vétustes qui ont fait huit morts, sera une tache indélébile sur son bilan. Un nuage noir qui l’escortera jusqu’au bout sous forme de cauchemars, même après son départ de la politique.



    « J’ai pas tout bien fait, je le sais, mais j’y ai mis du cœur », nous avait-il confié de sa voix rocailleuse, en bout de course, laissant toujours poindre son angoisse mémorielle : « Je voudrais que l’on dise que j’ai été un bon maire. »

    Dans sa deuxième maison de Saint-Zacharie (Var), il s’était ensuite reclus pour donner sa propre version des faits (« Maintenant, je vais tout vous raconter… », 2021) : un testament partiel avec pour but de réhabiliter, surtout, vingt-cinq années passées au service des Marseillais.

    « Ma vie, ça a été la politique », nous avait-il encore dit. Et voilà que Gaudin est mort. Il ne laisse derrière lui d’autre héritier que Marseille, qui se rappellera ce personnage à la faconde toute pagnolesque. Un bout de son histoire.