Au port de commerce de Caen, du « cousu main » pour attirer des cargos dans l’ombre de Rouen et Le Havre

Avec son petit terminal commercial le long du canal, le port de Caen accueille une centaine de cargos par an. Près des poids lourds rouennais et surtout havrais, il a tout de même de bonnes recettes pour se consolider et grandir encore.

Le cargo Hizir, 120 mètres de long, dans le sas de l'écluse de Ouistreham (Calvados) le 11 septembre 2024, avant de se rendre au terminal de Blainville, quelques kilomètres en amont, sur le canal de Caen à la mer. LP/Esteban Pinel
Le cargo Hizir, 120 mètres de long, dans le sas de l'écluse de Ouistreham (Calvados) le 11 septembre 2024, avant de se rendre au terminal de Blainville, quelques kilomètres en amont, sur le canal de Caen à la mer. LP/Esteban Pinel

    Un énorme bouillon agite le grand sas des écluses de Ouistreham (Calvados). Ce 11 septembre 2024 en milieu d’après-midi, l’Hizir fait son entrée, guidé par un remorqueur. Le cargo de 120 m vient décharger ses cales remplies d’un composant principal de… litière pour chat. L’eau monte, et quelques dizaines de minutes plus tard, les portes s’ouvrent de l’autre côté pour laisser le navire remonter le canal vers le terminal de Blainville-sur-Orne, quelques kilomètres en amont. Fin d’un chassé-croisé entamé en milieu de journée avec le départ du Lady Hestia, un cargo orange d’une centaine de mètres qui transportait du bois venu du Nord.



    « Notre stratégie, c’est de faire du cousu main pour de petits trafics », assume Antoine de Gouville, directeur des équipements portuaires à la Chambre de commerce et d’industrie de Caen. À l’image de la fameuse litière pour félin, qui arrive sur les rives du canal en vue d’être conditionnée. Au total, « 103 cargos ont franchi les écluses de Ouistreham l’année dernière », compte Éric Destable, le commandant du port. Une fréquentation confortée depuis plusieurs années. En cette fin d’été, l’activité est en hausse de 7 % avant la saison céréalière aux prévisions, elles, plus modestes que d’habitude.

    L’agroalimentaire pèse 250 000 à 300 000 tonnes par an dans les cales des navires, dont une bonne part de ces céréales. Au menu de la diversification caennaise : 100 000 tonnes d’engrais, 30 000 à 40 000 tonnes de nourriture animale, autant pour la litière et, depuis récemment, l’essor des déchets recyclés. Des pneus broyés, mais aussi « de la ferraille à exporter pour du recyclage. L’activité était quasi éteinte et elle est bien repartie avec 50 000 tonnes l’an dernier et déjà 60 000 tonnes en 2024 », relève Antoine de Gouville. Des niches porteuses et prometteuses.

    Tourné vers les entreprises régionales

    Pour autant, il est impossible d’aller titiller les voisins rouennais et havrais. « Sur les conteneurs, on n’essaie même pas de rivaliser. En Normandie, c’est très concurrentiel », confirme Antoine de Gouville. Le Havre est un poids lourd en Europe, plaque tournante majeure du commerce extérieur tricolore. Alors Caen et son canal s’échinent à façonner de bonnes relations avec des entreprises à un niveau plus régional. Le port profite tout de même d’un niveau d’eau constant au terminal, qui évite les contraintes de marée, ainsi que de capacités d’entreposage intéressantes, notamment pour les marchandises en vrac ou le bois, que les grues de Blainville-sur-Orne soulèvent régulièrement.

    Le port de commerce de Caen retrouve de l’allant après avoir fortement pâti de la disparition de la Société métallurgique de Normandie. À l’âge d’or de l’énorme entreprise de l’agglomération caennaise (plus de 6 000 salariés dans les années 1960), quelque 500 000 tonnes d’acier étaient exportées via la mer. À l’entrée du canal, à Caen, de vieilles grues témoignent de ce passé. Celles, plus modernes, de Blainville, témoignent quant à elles du commerce actuel, sous les yeux des cyclistes et promeneurs qui regardent les cargos se charger ou décharger depuis la voie verte.

    L’activité à quai augmente ces dernières années, tout comme en arrière-boutique, avec une cinquantaine d’entreprises basées dans les alentours du terminal. Parmi elles, citons seulement Ayro, l’une des dernières venues, qui construit des… ailes pour navires de commerce, pour une propulsion plus verte. Des ailes déjà arborées par le Canopée, le premier navire cargo à voiles moderne et transporteur, en octobre 2023, des éléments de la fusée Ariane 6 vers la Guyane.