À La Rochelle, d’intrigantes sculptures connectées permettent de communiquer d’un bout à l’autre de la ville

Imaginés par des artistes locaux, deux tunnels végétaux se sont installés à La Rochelle cet été. Ils sont reliés par un dispositif sonore original, permettant à des habitants de quartiers éloignés d’une dizaine de kilomètres de discuter à toute heure du jour et de la nuit.

Emmanuel Faivre et Birgit Mollemeier sont à l’origine de deux sculptures connectées, construites à La Rochelle avec l’aide des habitants à l’occasion d’ateliers de médiation. LP/Amélia Blanchot
Emmanuel Faivre et Birgit Mollemeier sont à l’origine de deux sculptures connectées, construites à La Rochelle avec l’aide des habitants à l’occasion d’ateliers de médiation. LP/Amélia Blanchot

    « Bonjour Villeneuve ! », lance une voix, semblant surgir de nulle part. À l’intérieur de cet étrange tunnel végétal s’enfonçant dans le sol, il n’y a personne. Pourtant, cette interpellation sonore provient de l’autre côté de La Rochelle (Charente-Maritime), précisément du parc Kennedy, dans le quartier populaire de Mireuil. Soit à une dizaine de kilomètres du parc Condorcet, à Villeneuve-les-Salines, autre quartier populaire de la ville charentaise. À ces deux endroits ont été construits durant cet été 2024 de grandes sculptures en forme d’entonnoir, dans le cadre du projet artistique « Réseaux connectés ».



    Car ces deux sculptures de bois sont bel et bien connectées : une personne qui entre dedans à Mireuil peut y parler et se faire entendre par un homologue de Villeneuve-les-Salines. Et vice-versa. « Certaines personnes ne nous croient pas et nous demandent comment c’est possible ! Nous avons mis en place une installation numérique, cela fonctionne avec Internet, en 4G. Comme deux téléphones lors d’une visioconférence, tout simplement. Sauf que dans notre cas, les gens ont l’impression de parler dans le vide, car il n’y a pas d’écran », décrypte Birgit Mollemeier, artiste plasticienne à La Rochelle et membre de l’association Terra Amata, à l’initiative de ces drôles d’installations.

    « Être en contact à distance, avec un côté un peu magique »

    La créatrice a fait appel à S-LAB, une association rochelaise de développement numérique, et s’est alliée avec l’artiste sonore Emmanuel Faivre, également basé dans la cité maritime. Dans chaque « tunnel », des bandes sonores sont diffusées en continu. Leur volume baisse automatiquement lorsque quelqu’un décide de parler. « Nous avons conçu ces sons en partie lors d’ateliers de médiation avec les habitants de chaque quartier. C’est un petit éveil à l’écoute, qui propose à chacun d’être attentif au paysage sonore de son territoire », souligne-t-il.

    Birgit Mollemeier a imaginé ce projet lors du premier confinement, en mars 2020. « Je voulais développer l’idée de pouvoir être en contact avec l’autre tout en étant à distance, avec un côté un peu magique », raconte la plasticienne, qui voulait absolument donner une dimension participative à son projet. L’objectif est atteint, 445 habitants ayant participé à l’élaboration de ces grands entonnoirs. Pas moins de 30 ateliers de médiation ont été organisés, auxquels ont participé 335 personnes. Jean-Christophe, jardinier dans une micro-ferme jouxtant une sculpture, est l’un de ceux qui ont mis la main à la pâte. « C’était sympa ! Aujourd’hui j’aime bien aller dedans quand il y a du monde », sourit-il. Les œuvres restent en place jusqu’à début novembre 2024.