Déficit : la Cour des comptes dénonce «l’insincérité» des comptes publics

L’arbitre vient de sortir son carton rouge. La Cour des Comptes a dévoilé ce jeudi son audit très attendu des finances et des comptes publics. Et la situation est «loin d’être assainie», dénonce le rapport.

Déficit : la Cour des comptes dénonce «l’insincérité» des comptes publics

    Le déficit public a diminué de 0,2 point de PIB en 2016 pour s'établir à 3,4 points de PIB contre 0,4 en moyenne par sur la période 2011-2015. Clairement insuffisant pour la Cour des comptes qui rappelle que la France est bien en retard par rapport à ses voisins de l'Union européenne (-0,7 point) et de la zone euro (-0,6 point). Désormais, elle est même, après l'Espagne (4,5 points de PIB), le pays de l'UE dont le déficit est le plus élevé.

    Même triste constat pour la dette qui a augmenté de près de 49,2 milliards d'euros en 2016 et fait désormais de la France le septième pays le plus endetté de l'Union européenne. Comment en est-on arrivé là? Si la hausse des prélèvements obligatoires a permis pendant un temps de réduire doucement le déficit, la baisse des dépenses n'a par ailleurs pas été au rendez-vous. La preuve : le plan de 50 milliards d'euros d'économies, annoncé par le gouvernement dans le programme de stabilité de 2014, a connu de «multiples modifications de la part du gouvernement», «les économies programmées à l'origine ont été progressivement décalées dans le temps», précise le rapport.

    Finalement, dans le projet de loi de finances présenté par le gouvernement à l'automne 2016, il ne restait des 50 milliards d'euros d'économies attendues que 40,5 milliards. Près de 10 milliards d'euros d'économies en moins donc. Et ce n'est pas tout : car si le gouvernement envisageait «seulement» 40,5 milliards d'économies, elles ne s'élèveraient dans les faits qu'à 26,9 milliards d'euros en 2017 selon les calculs de la Cour.

    Recettes surévaluées et dépenses sous-estimées

    Mais dans son audit de plus de 200 pages, les magistrats vont même plus loin : selon eux, le gouvernement aurait fait preuve «d'insincérité» pour boucler le projet de loi de finances (PLF) 2017 ainsi que le programme de stabilité envoyé en avril dernier à la Commission européenne. En clair : les recettes auraient été surévaluées et les dépenses sous-estimées pour parvenir à un objectif sous la barre des 3% de déficits exigés par Bruxelles. «Les investigations menées par la Cour montrent que les constats qu'elle a effectués étaient, pour l'essentiel, identifiés par les administrations et donc connus du gouvernement dès l'automne 2016 et, de manière plus précise encore, en avril dernier lors de la transmission à la Commission européenne du Programme de stabilité. Les textes financiers (PLF et programme de stabilité) étaient ainsi manifestement entachés d'insincérité.»

    Concrètement, les recettes prévues grâce aux prélèvements obligatoires ont par exemple été surestimés d'1,5 milliard par rapport aux prévisions. Idem pour les recettes engrangées chaque année par le Service de traitement des déclarations rectificatives (STDR), qui permet aux fraudeurs fiscaux qui viennent se dénoncer de bénéficier de pénalités moins lourdes qu'en cas de contrôle. Là encore, les recettes ont été surestimées d'environ 1 milliard d'euros selon la Cour. «A hauteur des trois quarts des recettes fiscales et non fiscales, ces surévaluations sont dépourvues de justifications techniques et paraissent avoir été dictées par le souci d'améliorer artificiellement le niveau de déficit prévu», taclent les magistrats.

    Report ou une annulation de l'accroissement des dépenses publiques

    En parallèle, les dépenses prévues par le gouvernement (318,5 milliards d'euros pour 2017) auraient été largement sous-évaluées pour pouvoir entrer dans les clous des 3% de déficits. Lesquelles ? Celles de certains ministères comme la Défense, l'Agriculture ou le Travail par exemple. Par ailleurs, des crédits ont été annulés alors qu'ils risquent de créer de nouvelles dépenses attendues. Enfin, et non des moindres, le gouvernement n'a pas fait entrer dans son budget la recapitalisation d'Areva, pourtant estimée à 2,3 milliards d'euros.

    Pour parvenir à sortir la tête de l'eau rapidement, et espérer encore passer sous la barre des 3%, le verdict de la Cour des Comptes est sans appel : il va falloir être «très exigeant». Et imposer «dès lors un freinage de la dépense bien supérieur à celui opéré en moyenne entre 2011 et 2016». Les Français vont-ils devoir se serrer la ceinture? Il est fort probable que le gouvernent d'Edouard Philippe ajuste sa copie pour réaliser des économies. «A ce stade de l'année, conseille même la Cour des comptes, cela ne peut passer que par un report ou une annulation de toutes les mesures d'accroissement de dépenses publiques non encore mises en œuvre et par des mesures d'économies portant sur toutes les administrations publiques».