Discrimination à l’embauche : l’Etat cible Air France, Accor et Renault

Une étude commandée par le gouvernement soupçonne sept grands groupes de «discrimination significative» envers des candidatures à consonance maghrébine. Mais ces entreprises contestent vivement la méthode de testing utilisée.

 Montrée du doigt Air France conteste « totalement la conclusion de ce rapport » fondée sur « 7 candidatures spontanées ».
Montrée du doigt Air France conteste « totalement la conclusion de ce rapport » fondée sur « 7 candidatures spontanées ». LP/Arnaud Journois

    De grands groupes français suspectés de discrimination à l'embauche! Selon une étude du Commissariat général à l'égalité des territoires commandée par le gouvernement, sur 40 grandes sociétés tirées au sort, sept ont fait preuve d'une « discrimination significative » envers des candidats portant un nom à consonance maghrébine.

    C'est ce qui ressort d'un vaste testing réalisé entre octobre 2018 et janvier 2019 avec l'envoi de plus 10 000 candidatures à divers sites de chaque groupe, sans viser les services des ressources humaines pour ne pas être détectées. Il pointe des pratiques discriminatoires chez Air France, AccorHotels, Altran (ingénierie), Arkema (chimie), Renault, Rexel (équipement électrique), Sopra Steria (édition de logiciels).

    «25 % de chances en moins»

    Dans ces entreprises, l'envoi d'une candidature − spontanée dans la majorité des cas − avec un nom à consonance française a 12,5 % de chances d'obtenir une réponse positive (un simple courrier d'accusé réception suffit), contre 9,3 % pour le porteur d'un nom à consonance maghrébine.

    « Ce différentiel de 3 points est trop important pour être un hasard statistique, il correspond à 25 % de chances en moins d'obtenir un contact positif quand on porte un nom à consonance maghrébine », souligne-t-on au cabinet du ministre chargé de la Ville et du Logement, Julien Denormandie.

    Ce testing répondait à la demande d'Emmanuel Macron qui, en mai 2018, a prôné la pratique du « name and shame » (littéralement nommer et couvrir de honte) à l'égard des entreprises discriminantes. Il passe évidemment très mal dans les sociétés montrées du doigt.

    Des envois «en dehors de nos canaux de recrutement»

    Se disant choquée, Air France conteste « totalement la conclusion de ce rapport » qui, « sur la base de sept candidatures spontanées, envoyées en dehors de nos canaux de recrutement […] conclut à une présomption de discrimination ! ».Inadmissible pour la compagnie qui insiste sur le fait que, pour postuler à une offre d'emploi, il faut passer par son site Internet de recrutement. « Nous recevons 100 000 CV par an, c'est la seule manière de gérer cette masse, confie un cadre. Les candidatures spontanées ne peuvent pas être étudiées. »

    « Nous sommes prêts à nous améliorer sur ce sujet qui est un enjeu important », assure de son côté Renault. Qui, dans la foulée, dénonce la méthodologie du testing : « 76 CV envoyés de manière aléatoires dans différents services du groupe alors que nous avons une plate-forme digitale qui reçoit les 100 000 CV par an ». Avec parmi les CV mystères, des candidats pour être hôtesse d'accueil ou techniciens de maintenance alors qu'« il n'y a pas d'offre d'emploi sur ces postes confiés à des entreprises prestataires ».