Grève à Air France : un référendum pour un coup de poker du PDG

Après le rejet de l’accord salarial par l’intersyndicale, Jean-Marc Janaillac, PDG d’Air France-KLM, va consulter les salariés de la compagnie par référendum. En cas de rejet, il démissionnera.

 Jean-Marc Janaillac, a décidé de s’adresser directement aux salariés d’Air France. En cas de rejet de ses propositions, il quittera ses fonctions.
Jean-Marc Janaillac, a décidé de s’adresser directement aux salariés d’Air France. En cas de rejet de ses propositions, il quittera ses fonctions. REUTERS/Philippe Wojazer

    Coup de tonnerre chez Air France. Pour tenter de mettre fin à plus de deux mois de conflit et neuf journées de grève, le PDG du groupe Air-France-KLM Jean-Marc Janaillac a annoncé vendredi qu'il allait contourner les syndicats et interroger directement les salariés par référendum. Seulement voilà, si les salariés rejettent la proposition de la direction, le PDG a indiqué qu'il mettrait fin à ses fonctions à la tête de la compagnie.

    Une telle consultation - sans valeur légale - avait déjà été utilisée en 1994 par l'ancien PDG Christian Blanc, alors que la compagnie était au bord du gouffre. « Un questionnaire va être adressé à compter du 26 avril et jusqu'à début mai à l'ensemble des 44 000 salariés d'Air France, hôtesses de l'air, stewards, agents au sol, pilotes », indiquait une porte-parole de la compagnie.

    Que comportera concrètement cet accord proposé aux salariés? Les mêmes propositions qui ont essuyé vendredi un nouveau refus des syndicats représentatifs de l'entreprise (à savoir le SNPL, le Spaf, Alter, SNPNC, Unsa-PNC, la CFTC, le SNAGF, la CGT et Sud en intersyndicale, l'Unac de son côté) : une hausse générale des salaires de 2 % immédiatement, puis une augmentation de 5 % pour la période 2019-2021, hors augmentations individuelles.

    Pour les syndicats, il s'agit d'un « entêtement »

    « Insuffisant », estiment les syndicats, qui réclamaient au départ 6 % d'augmentation générale, puis ont revu leurs exigences à la baisse. Vendredi, ils demandaient 5,1 % d'augmentation dès 2018. « Air France n'a pas les moyens d'augmenter brutalement ses coûts ! », a tonné Jean-Claude Janaillac. En cas de vote positif, l'accord sera représenté à signature et il appartiendra aux syndicats de prendre leurs responsabilités », a-t-il poursuivi.

    En chœur, les syndicats représentatifs se sont élevés contre cette méthode inhabituelle, qu'ils désapprouvent. « Manœuvre désespérée ! », tempête Philippe Evain, le président du SNPL, syndicat majoritaire chez les pilotes, qui ajoute « ne pas comprendre cet entêtement ». « Ce référendum est un déni de démocratie », s'insurge Vincent Salles, à la CGT. La compagnie aérienne, qui affiche une rentabilité de 4 % - inférieure à celle des concurrents européens comme la Lufthansa ou British Airways -, a perdu plus de 24 millions d'euros en neuf jours de grève depuis février.

    « Ce conflit nous divise »

    « La grève est un droit mais je crois que notre proposition, si j'en juge par les interactions que j'ai avec les salariés, est plutôt bien reçue », estimait cette semaine Franck Terner, le directeur général de la compagnie, dans un entretien à La Tribune. « Les salariés sont inquiets et ne voient pas l'issue de ce conflit », abonde Béatrice Lestic, une représentante de la CFDT qui - comme la CFE-CGC - n'est pas dans la grève.

    Pour clore la journée, le PDG a aussi adressé un message aux salariés, en forme de bouteille à la mer : « Ce conflit nous divise, nous affaiblit et nous met en danger ».