Réforme des retraites : tensions entre gouvernement et syndicats

En charge de l’explosive réforme des retraites, le Haut-Commissaire Jean-Paul Delevoye, tente de garder le cap avec les syndicats, échaudés par les récentes déclarations d’Edouard Philippe et d’Agnès Buzyn sur l’âge de départ à 62 ans.

 Comme les syndicats, Jean-Paul Delevoye a été échaudé par les déclarations d’Agnès Buzyn sur l’âge de départ à la retraite.
Comme les syndicats, Jean-Paul Delevoye a été échaudé par les déclarations d’Agnès Buzyn sur l’âge de départ à la retraite. LP/Philippe de Poulpiquet

    « Ça va chauffer », lâche l'entourage du Haut-commissaire à la réforme des retraites. Jean-Paul Delevoye se serait bien passé des déclarations en chaîne de plusieurs membres du gouvernement sur l'explosive question de l'âge légal de départ à 62 ans. Une polémique amorcée le 15 mars sur Europe 1 par une petite phrase d'Édouard Philippe sur un possible allongement de la durée du travail. Puis, quelques jours après, nouveau ballon d'essai de la ministre des Affaires sociales Agnès Buzyn. Et encore mercredi devant l'Assemblée où Premier ministre a évoqué cette piste pour financer la réforme de la dépendance.

    Impossible, depuis, d'éteindre cet incendie qui, malgré les démentis, reprend à chaque nouvelle sortie des uns et des autres… Résultat, les syndicats ont l'impression d'être menés en bateau. Certains évoquent même en coulisses le possible point de rupture ! « Si les choses ne sont pas très vite clarifiées, tout est possible », menacent plusieurs d'entre eux.

    Un véritable coup dur pour Jean-Paul Delevoye, ce vieux routier du dialogue social choisi par Emmanuel Macron pour conduire la réforme compliquée du futur système de retraite universel… Le 10 octobre, c'est droit dans les yeux que le Haut-commissaire et la ministre des Affaires sociales, Agnès Buzyn, ont assuré aux syndicats que le gouvernement ne toucherait pas aux 62 ans.

    Un vif échange avec la ministre des Affaires sociales

    Une promesse d'ailleurs inscrite dans le programme de campagne de Macron. « Ces engagements ne peuvent pas être remis en cause », a insisté, inquiet, ce jeudi le Haut-commissaire dans le cadre d'un colloque au Sénat sur la future réforme intitulée « la parole aux partenaires sociaux ». Et d'ajouter : « Quand il y a la tempête médiatique, il faut laisser retomber la poussière ». Selon nos informations, le Haut-Commissaire, furieux des déclarations d'Agnès Buzyn, a décroché son téléphone ce week-end pour un échange vif avec la ministre.

    En effet, depuis près d'un an, Jean-Paul Delevoye mène la concertation auprès des partenaires sociaux avec une prudence de Sioux. Des échanges en mode « déminage » qui doivent se poursuivre jusqu'à la fin mai-début juin, avant la remise des propositions, puis les arbitrages de l'exécutif et la présentation d'un projet de loi cet été. « Alors qu'il est encore au milieu du gué, sa méthode est maintenant écornée », fustige un proche du dossier.

    «Expert en bricolage»

    « Les réunions se passent dans un bon climat, avec des échanges francs et directs car il y a de la confiance. Mais désormais, il y a de la défiance », assène Philippe Pihet, le négociateur de Force ouvrière. « Pas vis-à-vis du Haut-commissaire, mais vis-à-vis du gouvernement », poursuit-il. Et de qualifier d'« expert en bricolage », la ministre Agnès Buzyn, dont les récentes « déclarations n'ont pas été claires ». Le négociateur de FO n'est pas le seul à bouillonner. « Que cherche le gouvernement ? Pourquoi plombe-t-il ce dialogue constructif ! Cette ingérence fait perdre du crédit à Delevoye », s'exaspère un responsable syndical de la CFTC.

    « Ils savent bien que les 62 ans, c'est une ligne rouge des syndicats. Et cette réforme ce n'est pas une mesure d'âge, il s'agit de passer à un système par points. C'est bien plus ambitieux, il s'agit de tout changer », se désole un proche du dossier. Même Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, a volé au secours de Jean-Paul Delevoye ce mercredi en fin de soirée, exigeant une « clarification » sur les intentions du gouvernement concernant l'âge légal de départ à la retraite.