Supervizor, le logiciel antiredressement qui fait tiquer les inspecteurs du fisc

Un logiciel permet aux entreprises de «nettoyer» d'éventuelles erreurs la comptabilité informatisée soumise au fisc. Au risque de faciliter la fraude, s'alarme un syndicat de Bercy.

La comptabilité informatisée des entreprises est envoyée aux services fiscaux tous les ans.
La comptabilité informatisée des entreprises est envoyée aux services fiscaux tous les ans. (LP/JEAN-BAPTISTE QUENTIN)

    «Plus il y a de contrôles fiscaux, plus le téléphone sonne chez nous!» Alban Clot, 39 ans, diplômé de l'ESCP, et Cyrille de Gastine, 51 ans, ex du cabinet d'audit financier Ernst & Young, ont mis au point Supervizor. Un logiciel capable en quelques clics de repérer d'éventuelles anomalies dans les documents informatisés que les entreprises doivent présenter au fisc.

    Le marché potentiel — deux millions d'entreprises sont soumises à l'impôt sur les sociétés — est d'autant plus prometteur que, depuis le 1er janvier, le fisc multiplie les contrôles dématérialisés à partir du fichier des écritures comptables (FEC), c'est-à-dire la comptabilité informatisée des sociétés. Du coup, l'inquiétude grandit chez les grands entrepreneurs comme les petits.

    «Le FEC que j'envoie chaque année à l'administration fiscale contient des milliers de lignes, confie l'un d'eux. Même en étant vigilant, je ne peux jamais être totalement sûr qu'il n'y a pas d'erreurs.» Supervizor promet de nettoyer la comptabilité grâce à ses vérifications automatiques...

    La ligne jaune est-elle franchie ?

    Dans son portefeuille de sociétés, Supervizor compte aujourd'hui plusieurs géants du CAC 40, du luxe et de l'agroalimentaire, ainsi que des dizaines de PME et TPE (très petites entreprises). Coût pour les sociétés ? De 1 000 € par an pour une PME jusqu'à 500 000 € pour une grande entreprise. Le hic ? Supervizor pourrait être considéré comme une sorte de détecteur des radars fiscaux... La start-up franchit-elle la ligne jaune ? Ses fondateurs s'en défendent : «Face à la complexité du droit, nous aidons les entrepreneurs à éviter les erreurs. Nous ne sommes pas un détecteur de radars, plutôt un compteur de vitesse !»

    L'outil est apprécié des chefs d'entreprise, qui préfèrent au demeurant les contrôles dématérialisés. «Ils se plaignaient de la longueur des contrôles et de devoir accueillir aussi longtemps un inspecteur du fisc dans leurs locaux», souligne Nicolas Jacquot, associé du cabinet d'avocats Arsène Taxand, spécialiste de la fiscalité des entreprises et des relations avec l'administration.

    De leur côté, les syndicats de Bercy sont plus que réservés. «Je suis très sceptique sur le contrôle à distance, j'y vois un rétrécissement du spectre de nos investigations, confie Anne Guyot, porte-parole de Solidaires-Finances publiques, premier syndicat du personnel des impôts. Les entreprises fourniront les pièces qu'elles veulent. Celles qui ont envie de frauder pourront présenter un bilan comptable et fiscal cohérent en apparence, d'autant plus si elles sont aidées par un logiciel. Nous aurons toujours besoin d'un inspecteur qui, derrière, gratte un peu !»