Empreinte carbone : ces vignerons qui veulent « décoiffer » le champagne !

Au nom de l’environnement et de la créativité, un groupe de vignerons milite contre l’obligation de poser une coiffe sur les bouteilles de champagne, ce tablier métallique qui fait leur spécificité. L’interprofession se braque au nom de la tradition mais jusqu’à quand ?

Alexandre Boissel, gérant de la Cave des sacres, à Reims (Marne) présente différents modèles possibles de bouteilles de champagne : avec une bandelette (à gauche), avec une ficelle cachetée à la cire (au milieu) et avec la traditionnelle coiffe métallique (à droite). LP/Marie Blanchardon
Alexandre Boissel, gérant de la Cave des sacres, à Reims (Marne) présente différents modèles possibles de bouteilles de champagne : avec une bandelette (à gauche), avec une ficelle cachetée à la cire (au milieu) et avec la traditionnelle coiffe métallique (à droite). LP/Marie Blanchardon

    La liberté d’habiller ou non leur bouteille de champagne. C’est ce que réclame le collectif « Ca décoiffe en Champagne ». Rassemblant une vingtaine de vignerons, dont Adeline Bonnet, installée dans la côte des Bar, à Bragelogne (Aube), il milite contre l’obligation de la coiffe, ce tablier métallique qui fait la spécificité des bouteilles de champagne.

    « À la base, explique-t-elle, on avait créé un groupe pour échanger sur les alternatives à la coiffe. Quand on a appris que le Comité interprofessionnel des vins de champagne (CIVC) et le Syndicat général des vignerons (SGV) voulaient imposer la coiffe, alors même que l’Europe levait l’obligation, on a décidé de monter au créneau. » La vigneronne rappelle que la coiffe pourrait être remplacée par une bandelette en papier, une agrafe, un timbre collerette ou même un simple lien en tissu.



    Pas question pour le CIVC : la coiffe constitue pour la profession « un code identitaire indissociable des vins de champagne », comme l’a confirmé un groupe d’experts. Ce n’est pas faux : la coiffe métallique a historiquement été « inventée » par les Champenois. En ouvrant une bouteille, on la déchire et cela participe, dans l’imaginaire collectif, à la magie du champagne.

    Pour autant, la coiffe n’a qu’une valeur esthétique mais plus du tout d’utilité technique. Au XIXe siècle, elle était utilisée pour dissimuler les dépôts collés au niveau du col. « Autrefois, les conditions de conservation étaient différentes, la coiffe empêchait l’humidité d’atteindre le bouchon en liège. Mais, aujourd’hui, on pourrait s’affranchir de ce déchet qui n’a plus d’utilité. C’est un détail mais ça fait partie des efforts qu’on peut faire pour l’environnement », assène Adeline Bonnet. Souvent composée d’un mélange de plastique et d’aluminium, la coiffe représente 0,6 % des émissions de gaz à effet de serre de la filière !

    L’impact environnemental de l’aluminium en question

    Las, dans une notice de décembre, le CIVC confirme son intention « d’inscrire l’obligation d’apposition de la coiffe dans le cahier des charges de l’appellation d’origine protégée (AOP) ». Ce n’est pas encore le cas mais ce serait une affaire de mois. Adeline Bonnet, elle, sortira en mai sa dernière cuvée sans coiffe, comme prévu initialement. « Pour moi, c’est un test car la plupart de ma gamme est coiffée. Sur cette nouvelle cuvée haut de gamme, j’ai fait un effort de créativité et pris le risque d’enlever la coiffe. C’est intéressant de s’interroger sur l’écologie et de voir ce qu’en pense le consommateur. »

    Dans le contexte géopolitique actuel, les vignerons du collectif ont beau jeu de s’inquiéter d’éventuelles pénuries d’approvisionnement en… aluminium. « Si l’Interprofession nous oblige à coiffer nos bouteilles et qu’il y a une tension sur le marché, on risque de ne plus pouvoir les commercialiser », souligne Adeline Bonnet. De leur côté, SGV et CIVC s’appuient sur des études clients menées en France, au Royaume-Uni et aux États-Unis, qui démontrent que la coiffe permet au consommateur d’associer immédiatement une bouteille à du champagne.

    Impossible donc de la rendre facultative pour l’Interprofession. Le syndicat des vignerons se déclare toutefois sensible à l’impact environnemental et évoque l’alternative des coiffes papier, plus vertueuses et commercialisées depuis 2023. Pas sûr que cela suffise à convaincre le collectif qui rêve de libérer les bulles.