Comment la pollution au plastique envahit la planète

L'ONU organise cette semaine à Paris une deuxième phase de négociations pour aboutir à un traité international, juridiquement contraignant, contre la pollution plastique. Le Parisien retrace les «routes du plastique» vers les océans et vous explique l'ampleur du drame environnemental.

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Des bouteilles flottant à la surface de l’eau, des tortues étranglées par des sacs plastiques… Les images choc ne manquent pas pour éveiller les consciences aux effets dévastateurs du plastique sur l’environnement. Il représente 85% des débris marins. Mais comment nos emballages, bouteilles et sacs se retrouvent-ils en mer ? Quel est leur chemin ? Le Parisien a retracé les « routes » du plastique, ou plutôt des plastiques, jusqu’à la mer et l’océan. 

Pour tenter d’enrayer ce drame environnemental, la communauté internationale se réunit pour une deuxième session visant à trouver un accord mondial de lutte, de ce lundi 29 mai au vendredi 2 juin à Paris. À son ouverture, Emmanuel Macron a appelé à « mettre fin à un modèle insoutenable  » de la production et la consommation plastique.

À terme, ces négociations pourraient aboutir à un traité historique, car juridiquement contraignant, visant à éliminer la pollution plastique.

Pollution plastique : de quoi parle-t-on ?

Il existe plusieurs types de plastique : le macro (particules de plus de 5 mm), le micro (inférieures à 5 mm) et le nano (moins de 0,001 mm). Ils ont tous comportements physiques très différents, que les scientifiques appréhendent en parallèle.

Les différents types de plastique
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Le Parisien / Infographie

Les différents types de plastique
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Le Parisien / Infographie

Les différents types de plastique
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Le Parisien / Infographie

Tout le monde connaît le macroplastique : il s’agit de bouteilles, emballages, paille, cotons-tiges, etc. Une fois dans la nature, ces objets se désagrègent en une multitude de microplastiques.

Le microplastique peut être issu de l’usure des pneus, textiles ou objets (on parle alors de microplastique secondaire) ou ajouté volontairement dans des cosmétiques, produits de nettoyage, peinture, gazon artificiel (microplastique primaire). Ils se présentent sous différentes formes : fragments, fibres, microbilles, films…

Selon l’Anses, ils peuvent être composés avec plus de 20 polymères différents (polystyrène, polyéthylène…). Ils sont partout dans l’air, l’eau, les sols, les habitations.

Ces microplastiques sont très inquiétants, car les plus petits sont difficiles à détecter dans l’environnement. Une fois en mer, il est quasiment impossible de les récupérer.

La pollution plastique au quotidien

Même si vous vivez à des centaines de kilomètres de l’océan, les déchets plastiques que vous jetez peuvent se retrouvent souvent dans les égouts, les lacs ou rivières, et peuvent ensuite se déplacer vers la mer.

Les sources de pollutions terrestres
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Le Parisien / Infographie (Sources : études Essel et al. 2015 ; Sundt et al. 2014 ; UICN ; OFB)

Les sources de pollutions terrestres
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Le Parisien / Infographie (Sources : études Essel et al. 2015 ; Sundt et al. 2014 ; UICN ; OFB)

Les sources de pollutions terrestres
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Le Parisien / Infographie (Sources : études Essel et al. 2015 ; Sundt et al. 2014 ; UICN ; OFB)

Les sources de pollutions terrestres
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Le Parisien / Infographie (Sources : études Essel et al. 2015 ; Sundt et al. 2014 ; UICN ; OFB)

Les sources de pollutions terrestres
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Le Parisien / Infographie (Sources : études Essel et al. 2015 ; Sundt et al. 2014 ; UICN ; OFB)

On trouve derrière le terme « pollutions urbaines » toutes sortes d’objets qui se dégradent : semelles de chaussures, pelouses artificielles, peintures des bâtiments...

Les scientifiques les regroupent car individuellement, ils contribuent peu à la pollution environnementale. Mais à l’échelle d’un pays, l’accumulation de ces rejets de microplastique est considérable.

A l’usage, les pneus s’érodent et perdent des particules composées de caoutchouc synthétique. Cette poussière de pneus est ensuite dispersée par le vent ou emportée par les eaux de pluie.

Ici, la pollution résulte du marquage au sol (composé de thermoplastiques) qui s'abîme avec le passage des voitures. Exposés aux intempéries, ces microplastiques sont eux aussi dispersés par le vent ou emportés par les eaux de pluie.

Comme les animaux, le vent peut contribuer à éparpiller les déchets d’une poubelle sur la voirie. Sur le littoral, son rôle est encore plus important.

Selon les villes et les pays, ici commence l’océan. Par temps de pluie, une partie des eaux urbaines n’est pas traitée : elle est directement déversée dans l’environnement, avec les potentiels plastiques qu’elle charrie.

Le microplastique, pollution indétectable par les filtres

Qu’il s’agisse de microbilles contenues dans une crème exfoliante ou de fibres qui se détachent des vêtements dans la machine à laver, les microplastiques passent dans les eaux usées et peuvent facilement terminer leur course dans l’océan.

Les microplastiques à la maison
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Le Parisien / Infographie (Sources : UICN ; OFB)

Les microplastiques à la maison
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Le Parisien / Infographie (Sources : UICN ; OFB)

De nombreux articles d’hygiène et cosmétiques contiennent des microbilles de plastique, qui peuvent représenter jusqu’à 10% du poids du produit. Leur utilisation rejette directement des particules de plastique dans les eaux usées.

En France, ces produits sont interdits depuis le 1er janvier 2018, mais ils sont parfois importés.

Pendant le lavage, les fibres de nos vêtements se détachent. Certaines sont composées de microplastiques, que les stations d'épuration ne parviennent pas à filtrer. Ils finissent donc directement dans les cours d'eau.

Certaines solutions préconisées par les chercheurs sont simples : moins laver ses vêtements, éviter la « fast fashion », privilégier les pièces d’occasion et mieux tissées.

Au 1er janvier 2025, les lave-linges neufs seront obligatoirement dotés d'un filtre pour bloquer les microfibres en plastique.

Les cours d'eau, principal vecteur de pollution

En traversant des terrains agricoles, industriels ou des agglomérations urbaines, les cours d’eau charrient l’immense majorité des débris plastiques qui se retrouvent dans l’océan. 

En Asie du Sud-Est, les fleuves particulièrement touchés

Un bénévole nettoie la rivière Chao Praya à Bangkok, le 21 décembre 2018, pour sensibiliser le public aux ravages du plastique à usage unique. Reuters/Soe Zeya Tun

Des zones plus touchées que d'autres, mais une responsabilité mondiale

Le Rio Las Vacas, au Guatemala, traverse une décharge à ciel ouvert. Alejandro Balan/dpa/Icon sport

Des zones plus touchées que d'autres, mais une responsabilité mondiale

Décharge à ciel ouvert près de Jakarta. DASRIL ROSZANDI/AFP

Des zones plus touchées que d'autres, mais une responsabilité mondiale

Crédits : Sea Cleaners

Des zones plus touchées que d'autres, mais une responsabilité mondiale

Le trajet du plastique est souvent marqué par des échouages prolongés, en particulier dans l’estuaire de la Seine. LP/Aurélie Foulon

Quantifier l’exposition des cours d’eau à la pollution plastique reste difficile d’un point de vue méthodologique. Il est donc très compliqué d’obtenir des chiffres uniformes et robustes. En revanche, les scientifiques ont une certitude : les cours d’eau représentent les principales routes du plastique vers les mers.

A peine 1000 rivières drainent à elles seules 80% de toute la pollution macroplastique vers les océans. Elles se situent principalement en Asie du Sud-Est et en Afrique, mais aussi en Amérique du Sud.

Mais les spécialistes veulent éviter la stigmatisation : « L’Asie du Sud-Est accumule sa propre production de plastique et les déchets venant d’Europe et d’Amérique du Nord. Sauf que cette région du monde n’a pas d’infrastructures aussi efficaces que les nôtres. La responsabilité est collective », insiste la chercheuse Lisa Weiss.

L’entreprise Sea Cleaners a donc conçu un bateau capable de collecter les déchets flottants pour nettoyer les eaux balinaises, mais aussi les micro-déchets à des fins scientifiques.

Pourquoi là-bas ? Car Bali est l’une des îles les plus densément peuplées et polluées d’Indonésie. Sea Cleaners estime que 33 000 tonnes de déchets se déversent dans la mer de Java à partir des 372 rivières balinaises.

Contrairement aux idées reçues, la route vers l’océan est longue et tortueuse. A l'issue d'une étude sur la Seine, des chercheurs ont conclu que 100% des déchets plastiques échouent sur une berge à un moment ou un autre, même ceux qui flottent mal.

« C’était une grosse surprise, se souvient Romain Tramoy, co-auteur de l’étude menée sur la Seine. C’est un va-et-vient continu dans l’estuaire. D’où l’intérêt d’intensifier les ramassages sur les berges, de façon professionnelle. »

Grâce à des GPS, les chercheurs ont pu suivre des déchets pendant un à deux mois. Au bout d’un an d’expériences, aucun objet n’avait atteint la mer.

VIDEO. Trajectoire de déchets flottant dans la Seine

Même si le trajet peut prendre des années, la destination est inéluctable: l’océan.

Le fléau des filets de pêche

Les dispositifs de pêche perdus, abandonnés ou jetés, appelés « engins fantômes », sont très dangereux : ils se déplacent au gré des courants et piègent toute la faune marine sur leur passage.

Un problème

Ils sont la plupart du temps perdus, mais ils peuvent être aussi abandonnés ou rejetés. iStockphoto

Une solution

Balise de CLS posée sur un filet de pêche. CLS

Les engins de pêche (filets, cordes, cages et lignes en nylon) représentent la catégorie la plus importante, en termes de volume, de débris retrouvés sur les plages et en mer.

Pour y remédier, la société CLS (Collecte localisation satellites) a eu l’idée de poser des balises sur les filets de pêche pour les retrouver en cas de perte, avant qu’ils ne coulent trop profondément.

« Partir à la recherche d’un filet perdu coûte trop cher, explique Marc Lucas, océanographe chez CLS. Grâce aux balises, on peut demander au bateau le plus proche d’aller le récupérer. »

Autre source de pollution d’océan à océan : les revêtements des bateaux, certes solides, anticorrosion et antisalissures, mais bourrés de plastiques en tous genres. 

Les risques de fuites

Il arrive que des conteneurs transportant des produits finis en plastique, comme des boîtes à emporter, des jouets en plastique et des vêtements synthétiques, se perdent en mer lorsqu’ils tombent des cargos pendant le transport. Ils libèrent alors des centaines ou des milliers d’articles en plastique dans l’océan.

Des containers échoués sur une plage néo-zélandaise à côté de Tauranga, le 9 janvier 2012 après le naufrage du cargo "Rena". AFP/Marty Melville
Des containers échoués sur une plage néo-zélandaise à côté de Tauranga, le 9 janvier 2012 après le naufrage du cargo "Rena". AFP/Marty Melville

De nombreux plastiques débutent leur cycle de vie sous la forme de granulés plastiques industriels (GPI). Pendant leur fabrication ou leur transport (en camion, train ou cargo), ces microplastiques primaires peuvent aussi être déversés accidentellement en plus ou moins grande quantité dans l'environnement. 

VIDEO. Une marée de plastique se répand au Sri Lanka

En mai 2021, un cargo au large des côtes du Sri Lanka a pris feu et a fini par déverser plusieurs conteneurs de GPI dans l’océan. L’accident a fait des ravages sur la faune locale, les plages voisines et dans l’activité des pêcheurs.  

Les façons dont le plastique finit sa route dans l’océan sont multiples, complexes, parfois invisibles et insoupçonnables. Une fois dans l’eau, il est quasiment impossible de le récupérer, surtout à l’état de microplastique. C’est pourquoi les spécialistes préconisent de réduire sa production.

Malheureusement, le monde reste accro au plastique : sa production annuelle a plus que doublé en 20 ans pour atteindre 460 millions de tonnes. Elle pourrait encore tripler d'ici 2060 si rien n'est fait. Ce qui signifie trois fois plus de débris plastiques dans les océans, alors qu’il y en a déjà plusieurs milliers de tonnes chaque année.

Selon plusieurs chercheurs interrogés, le rôle des multinationales, comme Coca-Cola , est de plus en plus pointé du doigt : la pression s'intensifie pour que ces entreprises investissent dans la construction d’usines de recyclage et de stations d’épuration, dans les pays en voie de développement où elles s’implantent.