Restaurants, recyclage, consignes… l’UE veut encore verdir les emballages

Cartons, bouteilles, films : chacun des 448 millions d’habitants de l’Union européenne se débarrasse chaque année de 190 kg de déchets d’emballages. Le Parlement européen et les États membres veulent réduire cette quantité colossale.

Bien que des progrès aient été faits, le recyclage des bouteilles en plastique ne répond pas aux objectifs européens. De nouvelles exigences ont été posées par le Parlement et les Etats membres. LP/Olivier Corsan
Bien que des progrès aient été faits, le recyclage des bouteilles en plastique ne répond pas aux objectifs européens. De nouvelles exigences ont été posées par le Parlement et les Etats membres. LP/Olivier Corsan

    Recyclage obligatoire, contenants dans les fast-foods, consigne des canettes, substances chimiques… l’Union européenne a finalisé lundi un texte pour verdir les emballages, tout en ménageant d’importantes dérogations. À l’issue d’un compromis avec le Parlement européen, le texte impose aux Vingt-Sept un objectif contraignant de réduction de 5 % d’ici 2030 (par rapport à 2018) de leur volume de déchets d’emballages, puis de 10 % en 2035 et 15 % d’ici 2040. Des cibles facultatives concernent spécifiquement les déchets d’emballages plastiques car, si chaque Européen a produit près de 190 kg de déchets d’emballages en 2021, le chiffre passerait à 209 kg en 2030, si aucune mesure supplémentaire n’était prise.

    Sur le recyclage et les consignes

    C’est le cœur du texte : tous les emballages devront être recyclables à partir de 2030 et effectivement recyclés de façon systématique d’ici 2035.

    Pour maximiser le recyclage, au moins 90 % des matériaux d’emballages (bois, aluminium, verre, carton…) devront être collectés séparément d’ici 2029. C’était déjà l’objectif fixé, en principe, pour les bouteilles en plastique. Le texte oblige les Vingt-Sept à établir un système de consigne pour les bouteilles en plastique et canettes métalliques d’ici 2029, répondant à des critères stricts d’efficacité et de transparence.

    Mais un État pourra être exempté de cette obligation de consigne s’il atteint un taux de collecte de ces déchets dépassant 80 % en 2026, avec un plan pour atteindre 90 % en 2029. Selon une source parlementaire, seuls 4 pays, dont l’Italie et la France, seraient concernés. Neuf États devront établir ex nihilo des circuits de consigne. Les 15 États ayant déjà établi des systèmes de consigne ne seront pas tenus de les modifier, à condition d’atteindre un taux de collecte de 90 %. Les régions frontalières sont encouragées à accepter les bouteilles et canettes consignées dans l’État voisin.

    Les emballages en bois (boîtes de camembert, bourriches d’huîtres…) ou en cire (fromages) sont exemptés à ce stade de l’obligation de recyclage, tout comme le textile, le caoutchouc, la céramique ou la porcelaine.

    Sur les emballages plastiques à usage unique

    Les contenants plastiques à usage unique seront interdits d’ici au 1er janvier 2030 dans les cafés et restaurants, pour les aliments et boissons consommés sur place. Les contenants en papier y resteront autorisés. Géants du fast-food et industriels du papier vantaient les mérites « écologiques » des emballages cartons, recyclables ou issus de forêts durables, par rapport au plastique ou au réemploi - qui selon eux exigerait d’utiliser plus d’eau et d’énergie : ils ont obtenu gain de cause. Les sachets en papier de sucre ou de sel sont aussi épargnés.

    Sont en revanche bannis d’ici 2030 d’autres contenants plastiques à usage unique : flacons miniatures de shampoing dans l’hôtellerie, dosettes de sauces, emballages plastiques des fruits et légumes, films enveloppant les valises dans les aéroports…

    Le texte interdit aussi les sacs en plastique ultraléger (sauf exceptions pour raisons sanitaires ou prévention du gaspillage alimentaire) et les copeaux de polystyrène calant les produits contenus dans des colis.

    L’Union avait déjà interdit, en 2021, des produits en plastique à usage unique, comme les pailles ou les touillettes de café, avec plus ou moins de succès.

    Les « polluants éternels » interdits dans deux ans dans l’alimentaire

    La législation interdit, à partir de 2026, l’ajout de substances alkyles perfluorées et poly fluorées, les fameux PFAS ou « polluants éternels », dans les emballages alimentaires. Ces composants chimiques sont aujourd’hui omniprésents, dans les boîtes à pizza, les barquettes à poisson, le papier pour pâtisserie, les fruits et légumes, et même le papier toilette, malgré les avertissements scientifiques sur leurs effets nocifs. En revanche, l’accord n’intègre pas l’interdiction du bisphénol-A (perturbateur endocrinien), que réclamaient les eurodéputés mais qui sera abordée dans un autre texte. En France, l’usage du BPA est proscrit dans la composition des contenants alimentaires depuis le 1er janvier 2015, notamment dans les biberons.



    Grand flou sur les emballages réutilisables

    La législation fixe des niveaux contraignants de réemploi des emballages pour divers secteurs (e-commerce, électroménager, boissons, bière…) mais les exceptions sont nombreuses, ou les règles complexes. Initialement envisagés, les objectifs d’emballages réutilisables ou rechargeables pour les boissons et aliments à emporter ont disparu de l’accord final. Les restaurateurs seront simplement tenus d’accepter sans frais, dès 2027, les contenants apportés par leurs clients, et devront proposer eux-mêmes des options de contenants réutilisables.

    Le secteur viticole, le lait, et les microentreprises sont exemptés, ainsi que, de façon générale, les emballages cartons. Pour les boissons, plusieurs entreprises pourront se regrouper pour mutualiser l’objectif.



    Une vaste dérogation aux obligations de réemploi sera possible si un pays dépasse d’au moins 5 points de pourcentage l’objectif de recyclage déjà prévu par l’UE (65 % en 2025), s’il est « en voie » d’atteindre sa cible de prévention de déchets et s’il garantit l’adoption par ses entreprises de plans de recyclage. L’Italie, qui avait obstinément défendu son modèle économique basé sur une importante industrie du recyclage à rebours du « réemploi », bénéficierait de l’exemption, avec un taux global de recyclage dépassant déjà 72 %.

    Le texte limite à 50 % l’espace vide toléré dans les colis, cartons de transport et emballages groupés.

    Plus de plastique recyclé

    Le texte fixe des taux minimums de matériau recyclé dans la composition des emballages plastiques. Dans les bouteilles de boissons, le taux devra être d’au moins 30 % d’ici 2030, puis 65 % d’ici 2040.

    Des « clauses miroirs » s’imposeront aux emballages en plastique fabriqués en dehors de l’UE pour s’assurer qu’ils respectent les normes européennes, et ainsi éviter l’essor d’importations de « faux plastique recyclé ».