Le trafic de cannabis était bien hiérarchisé

Le trafic de cannabis était bien hiérarchisé

    C'était « un petit circuit bien rodé », intégré dans « un véritable supermarché de la drogue », selon les mots du président du tribunal, Eric Gillet. Hier, trois garçons étaient jugés à Evry pour complicité et trafic de cannabis à Grigny, entre juin 2008 et janvier 2009. Leur rôle : « le guetteur », « le vendeur » et « la nourrice ». Trois petites mains qui participaient à « un réseau qui existait, existe et existera » indépendamment d'elles, détaille Arnaud Simonard, l'un des avocats.Au-delà du cas de ces trois garçons, c'est aussi un coin du voile qui s'est levé sur la manière dont fonctionne le trafic de drogue au coeur du quartier de la Grande-Borne, dans le secteur du Méridien.

    Le guetteur et le dealer. C'est Driss, dit Dédé, qui a endossé cette double casquette. A 23 ans, une dette de 6 000 â?¬ contractée auprès d'un commanditaire dont il tait le nom le conduit à être embauché pour rembourser. Driss commence guetteur. La paie ? « 500 â?¬ par mois. » Son rôle : prévenir le vendeur en cas d'arrivée de la police. « Comment ? » interroge le président. « Ben, avec ma bouche et mes gestes. » Finalement, Driss veut travailler plus pour rembourser plus. Il devient vendeur. « Trois à quatre jours par semaine, je venais vers 16 heures dans le hall du n o 10 du Méridien. Je vendais jusqu'à 22 heures entre 10 à 15 barrettes de 2 g de cannabis. Je le prenais à mon commanditaire qui revenait dans la soirée prendre l'argent. »

    Les nourrices. Ce sont les locataires des appartements qui servent de plaque tournante aux trafiquants. « Des gens sans antécédents judiciaires, qui ont des enfants. Ils inspirent confiance et on peut faire pression sur eux », décrit Eric Gillet. Une mère célibataire de trois enfants n'a pas été poursuivie. Samba, Franco-Sénégalais de 27 ans, est lui à la barre. Il louait son rez-de-chaussée 300 â?¬ par mois. « Un appartement-relais » qui, selon lui, aurait dû servir de lieu de repli et non de stockage. C'est pourtant là que 1 430 â?¬ et 236 g seront retrouvés fin janvier par la police. Driss avait un jeu de clés. « Je rentrais, je me changeais et j'enfilais une cagoule avant de vendre. »

    Le « maître des clés ». L'expression est d'Arnaud Simonard, l'avocat de Sofiane. Soupçonné d'être le chef du petit groupe, il est plutôt décrit comme « Passepartout de Fort Boyard. C'est celui qui a les clés », nuance son défenseur. Travaillant au noir sur les marchés, Sofiane recrutait les nourrices. Il nie tout. Samba l'accuse ? « Peut-être que je l'ai cambriolé un jour sans faire exprès et qu'il veut se vengerâ?¦ » tente Sofiane.

    Au-delà de l'anecdote, Damien Brossier, l'avocat de Driss, décrit un système où les dealers sont des employés. « On ne doit plus réfléchir en termes de quantité, mais de degré de responsabilité dans la hiérarchie. Les procédures policières sont dépassées. On fait du chiffre, on gratte le sol avec les ongles et on ne ramasse que les plus faiblesâ?¦ » Samba a écopé de huit mois de prison avec sursis, Driss et Sofiane de cinq mois ferme.