Architecture : la Belgique, l’eldorado des étudiants déçus de Parcoursup

Chaque année, près d’un millier d’étudiants français dont les vœux ont été refusés sur Parcoursup partent étudier l’architecture en Belgique.

(Illustration) Les études d'architecture dans les universités belges sont très prisées des étudiants français. Photo : Unsplash/Pierre-Henry de Soria
(Illustration) Les études d'architecture dans les universités belges sont très prisées des étudiants français. Photo : Unsplash/Pierre-Henry de Soria

Pour Inès, l’architecture est une vocation. « J’aime l’idée de construire quelque chose pour les gens, de voir que ce qu’on fait a un impact sur eux et leur environnement », résume l’étudiante, originaire de Bordeaux. En 2020, sur Parcoursup, elle postule donc à six écoles nationales supérieures d’architecture (ENSA). Malgré sa mention Bien au bac, elle est refusée partout. Le plan B est tout trouvé. « Je me suis tournée vers la Belgique, plus accessible financièrement que l’Espagne, se souvient-elle. Même si je ne savais pas vraiment comment ça allait se passer, je savais que c’était ce que je voulais faire ! »

Chaque année, comme Inès, un millier d’étudiants français partent s’installer en Belgique pour suivre leurs études d’architecture. Les facultés de Bruxelles, Louvain, Lièges et Mons constituent d’ailleurs celles que Français et Belges surnomment la « 21e école d’architecture française » (en plus des 20 ENSA, ndlr). Faciles d’accès et réputées, en seulement quelques années, ces écoles sont devenues un eldorado sur lequel les étudiants déçus de Parcoursup peuvent compter.

Nathan pensait pourtant répondre aux critères des ENSA : stages, bac général spécialités maths, physique et sciences de l’ingénieur, participation aux journées portes ouvertes des écoles… « J’ai fait huit vœux sur Parcoursup, tous refusés. » La Belgique apparaît alors comme une possibilité. « Je n’ai pas eu le temps de réfléchir, tout s’est passé très vite jusqu’à la rentrée. J’ai choisi l’Université libre de Bruxelles (ULB) pour des raisons pratiques et logistiques », admet Nathan, originaire de Vichy.

Des études d’architecture assez similaires

Inès a elle aussi choisi l’ULB. « J’étais à la fois impatiente et excitée. Mais finalement, plus on me parlait de mon déménagement en Belgique, plus je réalisais et plus je stressais. » Les derniers au revoir à l’aéroport avec sa famille ont été « très durs, tout le monde pleurait », s’amuse-t-elle, avec le recul.

De son côté, Brice avait anticipé. Lorsqu’il a su qu’il ne serait admis dans aucune des neuf ENSA auxquelles il avait prétendu, l’étudiant, lui aussi originaire de Bordeaux, a intégré des groupes sur les réseaux sociaux. Ses conversations le font pencher pour l’université de Liège. « Lors de la rentrée, je connaissais déjà un peu de monde, c’était rassurant. »



Les trois étudiants sont unanimes : s’ils ont aussi choisi la Belgique, c’est aussi et surtout parce que le pays est francophone. « L’intégration des étudiants ne pose aucun problème. Le décalage culturel est à la marge et on ne voit même pas de différence au niveau pédagogique », assure Jean-Didier Bergilez, vice-doyen à la faculté d’architecture La Cambre Horta de l’ULB.

Aujourd’hui en troisième année, Brice a aussitôt trouvé sa place. « Les Belges ont beaucoup de préjugés sur les Français, ils nous pensent très arrogants, c’est drôle ! On se taquine sur nos expressions mais c’est tout, on s’intègre très vite. » Les étudiants vantent aussi la relation prof-élèves. « On se tutoie, on s’appelle par nos prénoms, on va même boire des bières après les cours. C’est plus amical même s’il y a beaucoup de respect », pointe Inès.

Une place « remise en jeu » chaque année

L’étudiante bordelaise est désormais en passe d’effectuer sa dernière année à l’ULB. Mais tout n’a pas été si simple. « En première année, on était plus de 500 élèves. Et directement, on nous a dit que dès la fin de l’année, seul un tiers d’entre nous serait encore là. Donc, même si c’est facile d’entrer, c’est beaucoup moins facile de rester. »

Car en Belgique, pas de sélection. Pour entrer en première année, Belges comme Français envoient simplement un dossier d’inscription. « Ce sont des études qui attirent parce qu’il y a à la fois de la construction et de la créativité, de nombreux défis à relever notamment environnementaux. Les étudiants se sentent comme de vrais acteurs », appuie le doyen de la faculté Architecture et urbanisme, à Mons. Résultat, chaque année, le nombre d’étudiants en architecture continue de grimper. « En six ans, le nombre d’étudiants a explosé, on est passé de 1 200 à 2 400 étudiants », résume le vice-doyen de l’ULB. Parmi eux, 30 % d’étudiants français, toujours aussi nombreux dans les promotions.



Finalement, comme en France, l’exigence se fait de plus en plus ressentir. « Comme on est beaucoup, ils font le tri, constate Brice. Je suis déjà parti de certains cours en pleurant parce que les profs n’hésitent pas à nous dire quand on ne répond pas à leurs attentes. Ils nous poussent à bout pour éliminer les plus faibles. » Les étudiants évoquent les charrettes, le peu de sommeil et des périodes de travail très intenses. « On a beaucoup de pression, ce n’est pas plus facile qu’en France, rétorque Nathan, actuellement en troisième année. C’est même presque plus sélectif parce que chaque année, notre place est remise en jeu. Beaucoup abandonnent et redoublent en Belgique. Mais au moins, on a eu notre chance. »

Des étudiants français plus motivés à réussir

Et pas question pour autant de revoir le principe d’admission en Belgique. « On entend parfois parler de concours, de numerus clausus mais je ne pense pas que les universités aient envie de défendre ce système », confie le doyen de l’université de Mons. « Il n’a jamais été question de limiter l’accès aux Français ou de les faire payer plus. Surtout que quand je vois le système Parcoursup et des compétences attendues, on peut se dire qu’il y a un décalage énorme : ce ne sont pas forcément les bons résultats au lycée qui font qu’on sera brillant et qu’on pourra s’épanouir dans ces études », confirme le vice-doyen bruxellois.

D’ailleurs, selon Jean-Didier Bergilez, à l’ULM, les étudiants français réussiraient mieux que les étudiants belges. « Je pense que ceux qui sont passés par Parcoursup ont davantage réfléchi à leur orientation, ils ont une culture architecturale plus importante, ils sont plus motivés. Et puis, pour eux, venir en Belgique, c’est une implication familiale, financière et donc là encore, une certaine motivation. »



Une fois diplômés, les étudiants français ne semblent pas avoir de mal à s’insérer sur le marché de l’emploi. Le diplôme belge étant reconnu en France, les jeunes architectes peuvent choisir de revenir dans leur pays d’origine. « C’est parfois difficile d’être loin de ses proches, pour les anniversaires surtout, estime Inès. Mais je sais que ça m’apporte beaucoup. Je suis beaucoup plus ouverte qu’avant, moins introvertie. » La future architecture admet que son avenir professionnel reste encore « flou » mais n’exclut pas de partir travailler ailleurs dans le monde. « Notre parcours ne s’arrête pas parce que les écoles françaises nous ont refusés. En plus, c’est chouette la Belgique ! »

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