« J’ai passé quasiment onze heures sur mon téléphone » : quand les réseaux empêchent de réviser

Impression de perdre son temps, culpabilité de ne pas réviser et tentation de regarder des vidéos pendant des heures… Pas facile de s’y mettre lorsqu’on a TikTok ou Instagram à portée de main. Témoignages.

Certains étudiants n'arrivent plus à réviser avec le temps passé sur les réseaux. Ils tentent de changer leur comportement, et ce n'est pas toujours évident. (Illustration) Marcelsinge
Certains étudiants n'arrivent plus à réviser avec le temps passé sur les réseaux. Ils tentent de changer leur comportement, et ce n'est pas toujours évident. (Illustration) Marcelsinge

    Une vidéo sur l’espace, un extrait de concert de K-pop, un reel d’une personne qui nettoie des tapis… Ninon, 19 ans, passe ses précieuses heures de révisions sur les réseaux sociaux – surtout sur YouTube et sur Instagram. « L’algorithme d’Insta me connaît très bien : toutes les vidéos, je les trouve cool. » La jeune femme est étudiante en double cursus droit-anglais à l’Université de Nancy. Début décembre, elle réalise qu’elle « n’arrive pas à travailler »…

    Sa journée de révisions vient de lui filer entre les doigts. Et pour cause : cette fois-là, « J’ai passé quasiment onze heures sur mon téléphone », raconte-t-elle. Selon une étude de Médiamétrie en 2022, 83 % des 15 à 24 ans fréquentent les réseaux sociaux quotidiennement et ils y consacrent ainsi en moyenne deux heures et 19 minutes.

    Avec la dopamine, l’addiction des réseaux sociaux

    Ninon estime être plutôt « entre trois et quatre heures » sur son smartphone par jour. « C’est horrible. C’est l’une des choses sur lesquelles je passe le plus de temps… Alors que ce n’est clairement pas l’une de mes priorités », constate-t-elle. « Je devrais plutôt me concentrer sur mes études. » La jeune femme a bien essayé de supprimer Instagram pour mieux travailler… Peine perdue. Elle a réinstallé l’application au bout d’une journée.

    Perle, 20 ans, passe elle aussi près de quatre heures par jour sur son téléphone. Instagram, TikTok, Twitter, Reddit, YouTube : cette étudiante en troisième année de Sciences politiques à Lille reconnaît que « ça peut vite devenir addictif… ».



    Forcément, puisque les réseaux sociaux sont conçus pour nous rendre accros. Leur utilisation, tout comme l’usage de substances addictives, entraîne une libération de dopamine, l’hormone du plaisir, dans notre cerveau. C’est pourquoi on a envie d’y retourner. Au point, parfois, de le faire automatiquement. Ainsi, selon une étude de NordVPN, 77 % des jeunes de 18 à 24 ans consultent leur téléphone dès le réveil, alors qu’ils sont encore au lit. Pour 56 % d’entre eux, c’est pour aller sur les réseaux sociaux.

    De nombreuses astuces pour résister à la tentation

    Afin de lutter contre cette dépendance, Perle a fixé des limites de temps sur son téléphone, en fonction des applications. Deux heures maximum sur Instagram, une heure sur Twitter, une heure sur TikTok… Elle reçoit une alerte lorsqu’elle dépasse le temps imparti. « Bon, je ne respecte pas ces limites… Mais ça me sort un peu de mon téléphone. Je me dis ’Ah ! Ça fait déjà deux heures !’ »

    En période de révisions, Perle a l’impression que « c’est encore pire ». Avec le stress des examens, elle a « besoin de checker [son] téléphone ». Alors pour se dissuader, l’étudiante règle désormais son écran sur le mode « noir et blanc ». Sans toutes les couleurs, elle se sent « moins happée » par TikTok. « Ça me permet d’avoir mes petits moments de repos, sans que ça déborde. »

    Hugo, 24 ans, surveille attentivement son « temps d’écran ». « C’est flippant, c’est presque maladif », estime cet étudiant en Master de sociologie à Caen. « Tu veux juste regarder une notif et ça se finit à refaire le tour de tous les réseaux sociaux. » Son addiction à lui, c’était X (ex-Twitter), qu’il a aujourd’hui supprimée : « Je scrollais, je répondais à des commentaires qui me choquaient… Et après, il y avait des notifications, donc j’y retournais. »



    Couper ses notifications push, faire disparaître les pastilles rouges, mettre son téléphone en noir et blanc, utiliser le mode « Ne pas déranger », mettre des limites de temps, supprimer les applications de son écran d’accueil, supprimer ses comptes ou applications… Les méthodes sont nombreuses pour ne pas tomber dans le piège de la dopamine. Il existe même des applications pour dissuader les utilisateurs. Certaines permettent par exemple de faire une pause avant d’ouvrir un réseau social : il ne s’ouvre plus directement, mais après une respiration de sept, dix ou même vingt-cinq secondes. Le temps nécessaire pour se demander si on agit par automatisme ou si on a vraiment besoin et envie d’aller sur l’appli.

    Un effet néfaste sur la santé mentale

    Le plus efficace reste encore de ne pas être tenté. Alors Hugo s’organise. « Quand je suis à la BU, mon téléphone est éteint, dans mon sac, sous ma chaise. Comme ça, même si j’ai la pulsion, il est loin, faut que je le rallume, que je mette le code… Et là, je me rends compte que ça va être du temps perdu. C’est ce qui me permet de contrôler l’addiction. »



    C’est également la méthode de Céline, 27 ans, à nouveau étudiante depuis peu. En reconversion, elle prépare le CRPE (Concours de Recrutement de Professeurs des Écoles). En plus d’affecter sa capacité de concentration, le scroll infini lui « mine le moral ». Anxiété, estime de soi, solitude… De nombreuses études montrent en effet que les réseaux sociaux peuvent nuire à la santé mentale. Selon une étude d’Amnesty International publiée en novembre 2023, le fil « Pour toi » de TikTok pourrait même pousser les jeunes vers du contenu dangereux et ainsi encourager l’automutilation et les idées suicidaires.

    « J’ai compris que ça ne me servait à rien. »

    Si elle estime qu’elle devrait « tout désactiver », Céline a du mal à sauter le pas. « J’ai peur de rater un truc important… » Cette crainte a un nom : le FOMO, « Fear of Missing Out ». Il s’agit de la peur de manquer quelque chose, un événement dans la vie réelle mais aussi un « événement » virtuel : une story, une discussion, une annonce, une actualité sur un réseau social. « En plus, c’est via Messenger que je communique – en permanence – avec mes amis. Et pour le coup, je ne considère pas ça comme une perte de temps. »

    Pour ne pas perdre le contact avec ses amis mais ne pas perdre son temps sur son smartphone non plus, Lili a trouvé la solution. Cette étudiante de 23 ans en Master 2 de musicologie à la Sorbonne a supprimé les réseaux sociaux qui la poussent à scroller. Elle a seulement gardé WhatsApp et Messenger. Elle continue à aller sur Instagram, mais seulement sur son ordinateur. « En licence, j’y passais trois heures par jour, sur mon téléphone… Surtout en amphi quand je m’ennuyais », raconte-t-elle. « J’ai compris que ça ne me servait à rien. En plus, je n’ai pas le temps avec mon mémoire. » Maintenant, au lieu d’être sur Instagram dans le métro, elle lit ou elle écoute de la musique.



    Pour Lili, « les réseaux sociaux c’est pour pallier le fait que tes amis sont loin ou que t’as envie de discuter avec eux ». « C’est évident pour moi : je me souviens du confinement, c’était terrible, on passait notre temps sur les réseaux », se remémore-t-elle. « Je ne veux plus jamais vivre une année comme 2020 », affirme l’étudiante. « Alors maintenant, je privilégie vraiment le fait de passer de vrais moments, avec de la proximité physique, avec mes potes. » Et donc, moins sur les réseaux sociaux.

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