Au procès de l’inceste, le silence et la dilution de la responsabilité

    Pour les 80 ans du Parisien, Caroline Goldman revient sur le cas de Jean-Michel F., qui comparaît dans l’Ain pour des agressions sexuelles sur trois de ses petites-filles et des viols sur l’une d’elles. Il aurait déjà commis ce type d’actes dans les années 1970, mais ils en étaient restés au stade du secret de famille.

    C’est un mot écrit par une des enfants concernées et déposé dans une des boîtes aux lettres de l’association Les Papillons qui a entraîné le procès de Jean-Michel F. LP/Jean-Baptiste Quentin
    C’est un mot écrit par une des enfants concernées et déposé dans une des boîtes aux lettres de l’association Les Papillons qui a entraîné le procès de Jean-Michel F. LP/Jean-Baptiste Quentin

    Pour ses 80 ans, Le Parisien confie la plume à plus de 70 invités prestigieux. Rencontres exceptionnelles, interviews étonnantes, reportages sur le terrain, décryptages de notre sondage « Dans la tête des Français », chroniques décalées… Journalistes d’un jour au Parisien, ils ont tous accepté de rejoindre notre rédaction pour un numéro spécial à retrouver ce dimanche dans les kiosques et sur notre site.

    Jusqu’à lundi, la cour criminelle de l’Ain, à Bourg-en-Bresse, juge Jean-Michel F., 74 ans, accusé d’atteintes sexuelles sur trois de ses petites-filles, et de viol sur la plus jeune d’entre elles. Cette dernière, Lily, a dénoncé les faits il y a deux ans en glissant, à l’école, un mot, aussi court que déchirant, dans la boîte aux lettres d’une association de lutte contre les violences faites aux enfants, Les Papillons. Cette affaire est assez prototypique des affaires de maltraitance sur enfants. La question du silence m’a particulièrement interpellée.

    Lorsque j’ai entamé mes études, la « psychologie sociale » m’a appris une notion absolument fascinante : la « dilution de responsabilité » (J.Darley & B.Latané, 1 968). Il s’agit de la « tendance à diviser sa responsabilité personnelle par le nombre de témoins présents ». Pour l’illustrer, la prof d’amphi nous avait fait partager une histoire glaçante. Il s’agissait de l’agression d’une jeune femme dans une cour d’immeuble, qui avait hurlé pendant de longues minutes. Toutes les fenêtres allumées et les âmes penchées sur la scène du crime avaient suggéré à chaque voisin que la police avait été appelée, mais pourtant, en réalité, personne ne s’en était chargé. Au prix, donc, de la sécurité vitale de cette femme.