Marseille : Lenny n'a pas osé venir témoigner

Victime. d'une fusillade à Marseille en 2010 dont les auteurs présumés sont jugés depuis jeudi, l'adolescent de 17 ans a renoncé à témoigner hier.

Marseille (Bouches-du-Rhône), novembre 2010. C’est ici que Jean-Michel Gomez, 16 ans, avait été tué. Lenny, âgé alors de 11 ans, avait été grièvement blessé d’une rafale de kalachnikov.
Marseille (Bouches-du-Rhône), novembre 2010. C’est ici que Jean-Michel Gomez, 16 ans, avait été tué. Lenny, âgé alors de 11 ans, avait été grièvement blessé d’une rafale de kalachnikov. (AFP/Anne-Christine Poujoulat.)

    Au deuxième jour du procès devant la cour d'assises des Bouches-du-Rhône des assassins présumés de Jean-Michel Gomez, un adolescent de 16 ans, tué en novembre 2010 dans la cité sensible du Clos-la-Rose, dans les quartiers Nord à Marseille, l'atmosphère particulière entourant cette audience ne s'est pas dissipée. Très attendu, hier, le témoignage de Lenny, grièvement blessé par une rafale de kalachnikov lors de la fusillade alors qu'il n'était âgé que de 11 ans, n'est finalement pas venu. Mesure exceptionnelle, le président de la cour d'assises a donc décidé de délivrer un mandat d'amener pour entendre cette victime collatérale d'un règlement de comptes sur fond de trafic de drogue, à jamais handicapée au niveau de la mâchoire et d'une main depuis la tuerie du Clos-la-Rose. A charge pour la police désormais de localiser et de conduire de gré ou de force au tribunal le témoin qui avait été atteint de quatre projectiles d'arme de guerre sous les yeux de son jeune frère de 9 ans.

    En attendant de pouvoir recueillir un jour les confidences de Lenny, la cour a écouté celles de son père, en visioconférence... depuis sa cellule. Incarcéré depuis plus de deux ans et demi après une condamnation dans le cadre d'une affaire de stupéfiants et de violences, cet homme au regard un peu perdu a demandé « qu'on fasse justice pour [son] fils, car on ne peut pas se faire justice soi-même ».

    « Le soir des faits, je n'étais pas là, je ne sais pas ce qui s'est passé, raconte-il. Quand j'ai vu mon fils dans cet état, j'étais vraiment énervé. Je sais qu'il n'était pas visé spécialement. Il travaillait très bien à l'école et était doué au foot aussi. »

    La vie de Lenny a définitivement basculé ce soir du 19 novembre 2010. « Il souffre de graves séquelles aujourd'hui, évoque encore son père. Il a pris un coup. Après, il s'est mis dans les stupéfiants. Il est intenable. Il ne va plus à l'école. Je ne sais plus quoi faire... » Quand le président de la cour lui demande s'il connaît les auteurs présumés des faits, assis dans le box des accusés, et notamment les deux frères Nicolas et François Bengler, présentés comme les parrains du clan des « Gitans », le détenu lâche : « A Marseille, on se connaît tous, de vue ou de nom. » « On s'est déjà vus quelque part ou croisés en promenade (NDLR : en prison). Mais ce ne sont pas mes fréquentations, et je n'ai peur de personne. » Son fils, qui avait reconnu sur des planches photographiques l'un des frères Bengler, après avoir dans un premier temps affirmé que les agresseurs étaient cagoulés, lui, n'a pas osé affronter la cour. « Fragile, il se reconstruit difficilement », avance l'un de ses avocats. « Il est vraiment pas bien. Il est déboussolé, justifie le père. Et il a, peut-être, peur des représailles. »

    Sur 47 témoins cités au procès, dont le verdict est attendu le 14 octobre, seuls 3 ont répondu présent.