Perpétuité incompressible pour Salah Abdeslam : ce qu’il faut savoir sur cette peine

Créée en 1994, la perpétuité incompressible empêche le condamné de demander un aménagement de peine avant 30 ans de détention.

    Dans leur plaidoirie, ses avocats ont supplié les juges de ne pas le condamner à « une peine de mort lente ». Salah Abdeslam, 32 ans, considéré comme le dernier membre encore en vie des attentats du 13 Novembre, vient d’écoper de la réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une période de sûreté illimitée, c’est-à-dire la prison à vie. C’est la peine la plus lourde du Code pénal. Explications.

    De quoi s’agit-il ?

    La perpétuité incompressible ou « perpétuité réelle » signifie que la période de sûreté est illimitée. Elle empêche le détenu de demander un aménagement de peine. Encadrée par la loi 94-89, elle ne peut s’appliquer qu’en cas de crime terroriste, de meurtre avec viol, tortures ou acte de barbarie sur mineur de 15 ans, meurtre en bande organisée d’une personne dépositaire de l’autorité publique et assassinat d’une personne dépositaire de l’autorité publique. Pour tous les autres crimes, la période de sûreté est de 22 ans.

    Cette période de sûreté peut-elle être levée ?

    Au bout de 30 ans de détention cependant, le condamné peut réclamer qu’un juge d’application des peines (JAP) se penche à nouveau sur cette période de sûreté. Mais cette décision ne peut se prendre qu’à certaines conditions. Le tribunal devra d’abord consulter une commission composée de cinq magistrats de la Cour de cassation qui rendront un avis : y a-t-il lieu ou non de relever cette peine ?

    Le détenu devra par ailleurs prouver qu’il est réinsérable et qu’il ne présente pas de danger pour la société. Les victimes de ses crimes sont ensuite avisées et peuvent rendre un avis. Enfin, trois experts médicaux examinent le détenu et évaluent son état de dangerosité.

    Pourquoi avoir créé cette peine ?

    C’est l’affaire Patrick Tissier qui ouvre le débat sur cette peine de prison à vie. Ce tueur et violeur en série, condamné à de multiples reprises, avait été condamné pour le meurtre en 1993 de Karine Volckaert, 8 ans, à Perpignan. À l’époque, le ministre de la Justice, Pierre Méhaignerie se dit marqué par l’affaire et veut renforcer la période de sûreté de 30 ans qui existait déjà pour les meurtres, viols, tortures et actes de barbarie sur les enfants. En 2007, il est condamné à la perpétuité réelle.

    Cette condamnation est étendue en 2011 aux meurtres ou tentatives de meurtres sur personnes dépositaires de l’autorité publique (forces de l’ordre, magistrats, surveillants de prison). Puis, après la série d’attentats de 2015, elle a été étendue aux crimes terroristes en 2016, mais la loi n’est pas rétroactive. Si Salah Abdeslam a pu être condamné à cette peine, c’est qu’il a été considéré comme le coauteur de toutes les tueries du 13 Novembre et des tentatives d’assassinat des policiers du Bataclan.

    En 2014, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) valide cette perpétuité perpétuelle estimant qu’elle offre tout de même un espoir de libération au détenu.

    Qui sont les condamnés ?

    Jusque-là, cette sentence n’avait été prononcée que quatre fois. Pierre Bodein, dit « Pierrot le fou » écope de cette peine en 2007 dans le Bas-Rhin pour les viols et meurtre de Karine Volckaert. Suit Michel Fourniret en 2008. Ce dernier est le tout premier condamné à cette peine à mourir en prison. Puis Nicolas Blondiau en 2013 et Yannick Luende Bothelo en 2016. Tous pour des viols, tortures et meurtres d’enfants.

    VIDEO. Verdict du procès du 13 Novembre : « On a un sentiment de justice »

    Mercredi soir, la cour spécialement composée pour juger les attentats du 13 Novembre, a donc allongé cette liste : les djihadistes Jean-Michel Clain (présumé mort), Fabien Clain (présumé mort), Oussama Atar (commanditaire des attaques, présumé mort) et, donc, Salah Abdeslam ont été condamnés à la perpétuité incompressible. Ils ont dix jours pour faire appel.