Burkina : des soldats exigent le départ des chefs de l’armée

Des tirs ont été entendus à proximité de plusieurs casernes de la capitale Ouagadougou et des manifestants ont incendié le siège du parti au pouvoir mais le gouvernement a démenti « une prise de pouvoir par l’armée ».

Des manifestants se sont rassemblés place de la Nation dans la capitale Ouagadougou pour soutenir la mutinerie des militaires. AFP/OLYMPIA DE MAISMONT
Des manifestants se sont rassemblés place de la Nation dans la capitale Ouagadougou pour soutenir la mutinerie des militaires. AFP/OLYMPIA DE MAISMONT

    Alors que le peuple burkinabé manifeste depuis plusieurs mois pour dénoncer l’incapacité du pouvoir en place à lutter contre la menace djihadiste, des soldats se sont mutinés dimanche dans plusieurs casernes du Burkina Faso pour réclamer le départ des chefs de l’armée.

    Les mutins exigent des « moyens plus adaptés » à la lutte contre les terroristes qui frappent ce pays depuis 2015. Le gouvernement a rapidement réagi en reconnaissant des tirs dans plusieurs casernes, mais a démenti « une prise de pouvoir par l’armée ».

    Un couvre-feu a tout de même été décrété à partir de 20 heures (locales et GMT) dimanche jusqu’à 05h30 lundi, a annoncé la TV nationale.

    « Aucune institution de la République n’a pour le moment été inquiétée », a affirmé le ministre de la Défense, le général Barthélémy Simporé, dans une intervention à la télévision. Il a ajouté que les mouvements observés « dans quelques casernes » sont « localisés, circonscrits ».

    Des habitants du quartier Gounghin, situé à la sortie ouest de la capitale Ouagadougou, ont affirmé que des militaires du camp Sangoulé Lamizana sont sortis de leur caserne, tirant des coups de feu en l’air, et ont bouclé le périmètre aux alentours de la caserne. Sur plusieurs vidéos publiées sur les réseaux sociaux, on peut entendre ce qui semble être des détonations au loin.

    Dimanche après-midi, une quarantaine de soldats se trouvant à l’extérieur de cette caserne, tiraient en l’air près de plusieurs centaines de personnes en liesse portant des drapeaux du Burkina et soufflant dans des vuvuzelas, venues leur apporter leur soutien, a constaté un journaliste de l’AFP.

    Des tirs ont également été entendus à la base aérienne proche de l’aéroport, selon des sources militaires.

    Quelles sont leurs revendications ?

    « Nous voulons des moyens adaptés à la lutte » anti-djihadiste « et des effectifs conséquents », ainsi que le « remplacement » des plus haut gradés de l’armée nationale, indique dans un enregistrement sonore parvenu à l’AFP un militaire de la caserne Sangoulé Lamizana, sous couvert de l’anonymat. Les attaques meurtrières menées par des groupes djihadistes se sont multipliées ces derniers mois dans ce pays d’Afrique de l’ouest où interviennent les soldats français de la force Barkhane.



    Le porte-parole a en outre souhaité « une meilleure prise en charge des blessés » lors des attaques et des combats avec les djihadistes, ainsi que « des familles des défunts ». Mais à aucun moment ce militaire n’a réclamé le départ du président burkinabé Roch Christian Kaboré, accusé par une grande partie de la population d’être « incapable » de contrer les groupes djihadistes.

    Ces revendications ont été confirmées par d’autres sources militaires et des discussions étaient en cours dimanche après-midi entre des représentants des mutins et le ministre de la Défense, selon une source gouvernementale.

    Le siège du pouvoir incendié

    Dans la matinée, une centaine de personnes qui tentaient de se rassembler place de la Nation, en plein centre de Ouagadougou, pour exprimer leur soutien au mouvement des soldats, ont été dispersées à coups de gaz lacrymogène par les policiers.

    Plus tard dans la journée, des partisans des militaires mutins ont incendié le siège du parti au pouvoir dans la capitale avant d’être dispersés par la police, selon l’AFP qui a également constaté que l’internet mobile a été coupé dimanche dans la matinée.

    Spirale de violences

    Ces mouvements dans des casernes surviennent au lendemain de nouvelles manifestations de colère d’habitants excédés par l’impuissance des autorités à faire face à la violence djihadiste qui ravage le Burkina Faso. Samedi, des incidents ont éclaté à Ouagadougou et dans d’autres villes du pays entre les forces de l’ordre et des manifestants qui ont bravé l’interdiction de se rassembler pour protester contre l’insécurité.

    Comme le Mali et le Niger voisins, le Burkina Faso est pris dans une spirale de violences attribuées à des groupes armés djihadistes, affiliés à Al-Qaïda et au groupe État islamique. Les attaques qui visent civils et militaires sont de plus en plus fréquentes et en grande majorité concentrées dans le nord et l’est du pays. Les violences des groupes djihadistes ont fait en près de sept ans plus de 2 000 morts et contraint 1,5 million de personnes à fuir leur foyer.