Cancer avancé, tentative d’assassinat... Que faut-il penser des «révélations» sur Poutine ?

Le journal américain Newsweek affirme que le président russe aurait été traité pour un cancer avancé en avril et qu’il aurait échappé à une tentative d’assassinat en mars. Si la santé des présidents a toujours été cachée, celle de Vladimir Poutine fait tout particulièrement l’objet de surveillances... et de fantasmes.

Moscou, le 1er juin 2022. Le président russe lors d'un discours à l'attention d'écoliers par visioconférence. AFP/Sputnik/Mikhail Metzel
Moscou, le 1er juin 2022. Le président russe lors d'un discours à l'attention d'écoliers par visioconférence. AFP/Sputnik/Mikhail Metzel

    Depuis qu’il est président, Vladimir Poutine cultive une image d’homme viril. Le Kremlin a soigneusement bâti un personnage : Poutine torse nu sur un cheval, Poutine en train de soulever de la fonte, Poutine avec une Kalachnikov entre les mains…

    Mais cette volonté de toute-puissance est mise à mal depuis plusieurs semaines par de tenaces rumeurs, en provenance, notamment, de certains observateurs et médias américains qui, à défaut d’obtenir le bilan médical du président russe, dissèquent ses moindres gestes pour déchiffrer son état de santé. Ce jeudi, c’est le journal américain Newsweek qui a relancé les spéculations : sans plus de précisions, il affirme que le chef d’État de 69 ans aurait été traité en avril pour un cancer avancé et qu’il aurait échappé à une tentative d’assassinat en mars.

    L’article se fonde sur le témoignage de trois responsables du renseignement américain qui auraient lu un rapport confidentiel. « L’emprise de Poutine est forte mais n’est plus absolue. (..) Les jeux de pouvoirs au Kremlin n’ont jamais été aussi intenses, car tout le monde sent que la fin est proche », disent-ils.



    Paradoxalement, l’isolement de Vladimir Poutine renforce les rumeurs, tout en les rendant quasiment impossibles à vérifier. Alors certains analystes du renseignement américain ont été formés au diagnostic à distance, d’autres à la psychiatrie, précise Newsweek. En avril par exemple, ils ont vu dans la posture inhabituelle du président une preuve supplémentaire de sa santé déclinante.

    Est-ce fiable ? « On peut faire des diagnostics par écran, mais c’est très délicat, insiste le géopolitologue Patrick Martin-Genier, qui reste sur la réserve. Il faut être médecin, et tous les médecins ne seraient pas d’accord entre eux. Une posture ne veut rien dire, tout cela est hypothétique. Et même s’il a un cancer, il reste en position de gouverner et peut travailler jusqu’au bout, comme Pompidou. »

    Des informations plausibles, mais pas avérées

    Quelques jours après le défilé russe du 9 mai, le chef des services de renseignement ukrainiens, le général de division Kyrylo Budanov, avait même déclaré au média britannique Sky News que Vladimir Poutine était dans « un très mauvais état psychologique et physique et qu’il était très malade », ajoutant que des manigances se tramaient à l’intérieur du Kremlin pour le renverser.

    Une dernière affirmation elle aussi invérifiable, mais déjà plus crédible. « Il n’a pas obtenu de victoire le 9 mai, son pouvoir est fragilisé par cette guerre qu’il pensait conclure en quelques jours, observe Patrick Martin-Genier. Elle est susceptible d’entraîner des difficultés au sein du régime politique. Les oligarques, sévèrement sanctionnés, sont-ils en train de le lâcher ? La question se pose. »



    Les sources du journal Newsweek travaillent au sein de trois services de renseignement américains distincts : un responsable de la direction nationale du renseignement (DNI), un membre du renseignement du Pentagone, et un ancien officier de l’Air Force. Les États-Unis en comptent 17 au total, rappelle sur LCI François Heisbourg, conseiller spécial à la Fondation pour la recherche stratégique. « L’état de santé de Poutine est devenu un marronnier, tout le monde peut en parler sans avoir un regroupement crédible des sources. L’information est-elle plausible ? Oui. Est-ce que je la tiens pour avérée ? Absolument pas. Même chose pour l’attentat (la tentative d’assassinat et de coup d’État) contre Poutine. »

    La Maison blanche dément

    Les affirmations de Newsweek ont d’ailleurs été officiellement démenties ce samedi pour la Maison blanche : « Les rumeurs portant sur l’existence de telles évaluations venues des services de renseignements ou de la transmission de telles informations au président ne sont pas vraies », a indiqué le Conseil national de sécurité américain.

    Interrogé par Newsweek, l’agent du DNI le reconnaît lui-même, en parlant d’un « iceberg enveloppé de brouillard ». En réalité, les services de renseignement américains ont une « visibilité limitée » sur ce qu’il se passe à Moscou, répète le conseiller américain à la sécurité Jake Sullivan, en conférence de presse. Même le directeur de la CIA, William Burns, a mis en garde le Congrès : « Attention, car nous avons peu d’informations sur l’équilibre au sein de la nomenklatura russe. »

    Ces spéculations répétées semblent en tout cas devenir un problème pour Moscou, au point qu’on se demande même si ce n’est pas leur objectif. Elles ont en tout cas poussé, lors d’un entretien accordé à TF1, le ministre des Affaires étrangères russe Sergueï Lavrov à démentir : « Je ne crois pas que quelqu’un qui ait toute sa tête puisse voir chez cette personne (Poutine) des signes d’une maladie ou d’une affection quelconques. »