Comment les Russes vivent la guerre en Ukraine : chronique d’un pays coupé du monde

LE PARISIEN WEEK-END. Cinq semaines après l’entrée en guerre de leur pays, les Russes subissent de plein fouet les sanctions occidentales. Entre inflation galopante, pénuries, censure, mais aussi désaccords à propos de la politique de Vladimir Poutine, qui envoie de jeunes appelés sur le front, la population souffre. Leurs témoignages sont édifiants.

Sur la place Rouge, à Moscou, devant la cathédrale Saint-Basile-le-Bienheureux, on ne croise quasiment plus que des policiers. hemis.fr/Matthieu Verdeil
Sur la place Rouge, à Moscou, devant la cathédrale Saint-Basile-le-Bienheureux, on ne croise quasiment plus que des policiers. hemis.fr/Matthieu Verdeil 

    « S’il vous plaît, arrêtez ce bain de sang. Rendez-moi mon fils ! » implore, désespérée, une femme aux yeux rougis, coiffée d’un bonnet en laine blanc. Elle fait partie du cortège de manifestants antiguerre qui défilent ce 6 mars, sous un ciel gris, dans le centre de Moscou. Ses traits sont tirés et trahissent des nuits sans sommeil. Son garçon, qui effectue son service militaire dans l’armée russe — un « conscrit », comme on dit —, s’est retrouvé sur le front ukrainien fin février, alors qu’il pensait partir pour un simple exercice.

    Elle a passé dix jours sans nouvelles. Dix terribles et longs jours à imaginer le pire, avant d’apprendre qu’il était l’un des seuls survivants de son régiment. Bouleversée, elle remercie Dieu de l’avoir épargné. Derrière elle, des manifestants continuent à scander « niet voyne » (« non à la guerre »), malgré une importante présence policière, hautement dissuasive.