En Ukraine, avec les orphelins de la « colonie du deuil » : « N’oublie pas tout le positif qu’on a appris ici »

Dans l’ouest du pays, des camps d’été recueillent de jeunes Ukrainiens traumatisés. Jeux, rires et psychothérapie les aident à se relever des drames qui ensanglantent le pays. Ce sont 70 000 mineurs qui auraient perdu leurs parents depuis le début de la guerre.

Ukraine, le 14 juillet. Les enfants profitent de leur dernier jour de colonie pour s'écrire des mots d'amitié sur des cahiers ou leur tee-shirt. LP/Olivier Corsan
Ukraine, le 14 juillet. Les enfants profitent de leur dernier jour de colonie pour s'écrire des mots d'amitié sur des cahiers ou leur tee-shirt. LP/Olivier Corsan 

    Ksusha aurait voulu toucher le corps de son père une dernière fois. Ses voisins lui ont interdit d’aller voir. C’était en octobre. Groza, commune rurale de l’est de l’Ukraine, se réunissait pour les funérailles d’un soldat. Des bombardements russes endeuillent le vin d’honneur. Le café du village s’effondre. Des corps refroidissent d’un côté des décombres. De l’autre, il n’y a plus que des restes, des troncs humains, des entrailles mêlées aux gravats. « C’est là, soupire l’adolescente, que se trouvait mon papa. » Sa mère, comme d’autres victimes, n’a jamais pu être identifiée.

    À l’enterrement de ses parents, la fille de 16 ans ne pleure pas. Une interminable tournée des obsèques s’amorce. Près de soixante cercueils défilent sous ses yeux bleus. Des visages connus depuis la naissance. Le médecin, l’agriculteur, l’enseignant. Ksusha ne ressent rien. À la maison, la vie avec son frère avance sur pilote automatique. Les vêtements de leurs parents prennent la poussière sur leur lit. L’ado refuse de toucher l’argent qu’ils ont laissé au creux d’un bol, dans l’entrée. Son cerveau divague. De temps en temps, elle se demande s’ils ont même existé.