« Je m’excuse de ne pas pouvoir poursuivre la tâche » : le Premier ministre libanais jette l’éponge

Malgré la promesse faite le 1er septembre au président français de régler cette question en 15 jours, les responsables politiques ne sont pas parvenus à s’accorder sur un gouvernement.

 Le Premier ministre libanais désigné, Mustapha Adib, le 1er septembre 2020.
Le Premier ministre libanais désigné, Mustapha Adib, le 1er septembre 2020. AFP/Gonzalo Fuentes

    Le Premier ministre libanais désigné a annoncé samedi renoncer à former un nouveau gouvernement pour remplacer celui qui a démissionné après la gigantesque explosion meurtrière au port de Beyrouth le 4 août.

    « Je m'excuse de ne pas pouvoir poursuivre la tâche de former le gouvernement », a déclaré Moustapha Adib lors d'une allocution télévisée, après de longues négociations pour choisir une équipe gouvernementale approuvée par les différentes forces politiques rivales du pays. « Alors que les efforts pour former le gouvernement touchaient à leurs fins, il m'est apparu clairement que ce consensus n'existait plus, et qu'une équipe (ministérielle) selon les critères que j'ai fixés était déjà vouée à l'échec », a-t-il justifié.

    Début septembre, lors de la visite d'Emmanuel Macron, les partis politiques libanais s'étaient engagés à former un cabinet « de mission » composé de ministres « compétents » et « indépendants » dans un délai de deux semaines pour sortir le pays du marasme économique. Le président français doit s'exprimer dimanche lors d'une conférence de presse sur la situation politique au Liban. « Si les promesses ne sont pas tenues d'ici octobre, il y aura des conséquences », avait-il averti à Beyrouth.

    Blocages

    Le gouvernement libanais a démissionné à la suite de l'explosion dévastatrice au port de Beyrouth le 4 août qui a fait plus de 190 morts et plus de 6 500 blessés, tout en ravageant des quartiers entiers de la capitale.

    Adib, nommé le 31 août, était sous pression pour former un gouvernement au plus vite, de façon à lancer les réformes réclamées par la communauté internationale pour débloquer des milliards de dollars d'aide. Mais le processus piétine dans ce pays où le pouvoir est partagé entre les différentes communautés religieuses, en raison de divergences sur l'attribution des portefeuilles ministériels.

    Les efforts du Premier ministre ont notamment été entravés par deux formations chiites, le Hezbollah, poids lourd de la politique libanaise, et son allié Amal, dirigé par le chef du Parlement Nabih Berri, qui réclament le portefeuille des Finances. Selon des observateurs, l'obstination du tandem chiite est liée aux récentes sanctions américaines contre un ministre du parti Amal et deux compagnies affiliées au Hezbollah.

    « L'initiative française se poursuit »

    De son côté, le président Michel Aoun a « accepté » samedi le renoncement de Mustapha Adib, affirmant qu'il « prendra (it) les mesures appropriées conformément aux exigences de la Constitution » pour désigner un nouveau Premier ministre.

    « L'initiative lancée par le président français Emmanuel Macron est toujours en cours et bénéficie de tout mon soutien », a assuré par ailleurs Michel Aoun en référence à la feuille de route mise en place par Paris pour aider le pays à sortir de sa crise.

    Le chef du Parlement, Nabih Berri, considéré comme l'un des principaux acteurs ayant empêché l'aboutissement du processus de formation, a également salué l'initiative du président Macron. « Personne n'adhère autant que nous à l'initiative française, mais il y a ceux qui l'ont noyée », a-t-il affirmé, renvoyant la balle dans le camp adverse.

    Dans les milieux politiques, diplomatiques et sur les réseaux sociaux, les réactions, souvent virulentes, ne se sont pas fait attendre. « Il est regrettable de contourner l'opportunité qui s'était offerte au Liban », ont déploré les anciens Premiers ministres Fouad Siniora, Tamam Salam et Nagib Mikati dans un communiqué commun.

    Macron très impliqué

    Emmanuel Macron s'est personnellement beaucoup impliqué dans la recherche d'une solution à la crise. Il s'est rendu à deux reprises, en août et septembre, à Beyrouth et s'est entretenu avec des représentants de l'ensemble de la classe politique, y compris du Hezbollah. Mais la marge de manœuvre de la France reste limitée, malgré sa longue tradition d'amitié avec le Liban. Les Etats-Unis et l'Arabie saoudite, qui voient d'un mauvais œil l'influence croissante de l'Iran au Liban, regardent pour leur part avec beaucoup de circonspection l'initiative française et le dialogue mené avec le Hezbollah.

    Le Liban vit depuis un an l'une des pires crises économiques, sociales et politiques de son histoire, marquée par une dégringolade de sa monnaie nationale, une hyperinflation et une paupérisation à grande échelle de la population. La crise a été amplifiée par la pandémie de Covid-19 et l'explosion tragique le 4 août au port de Beyrouth, qui a catalysé la mobilisation de la communauté internationale.

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