Les fillettes sacrifiées de Kaboul : «Je ne suis pas heureuse, comment pourrais-je l’être ?»

L’AFGHANISTAN DES TALIBANS. Face à la pauvreté galopante, de plus en plus de fillettes sont forcées de rejoindre les garçons pour faire la manche dans les rues de la capitale afghane. Symbole de la catastrophe humanitaire menaçant le pays, elles sont envoyées par leurs parents qui ont perdu leur emploi et qui, jusque-là, tentaient de les protéger de la mendicité.

Face à une grave crise humanitaire à Kaboul (Afghanistan), de nombreux enfants, dont de plus en plus de petites filles, sont condamnés à faire la manche sous l’emprise des morsures de l’hiver et de la neige. LP/Philippe de Poulpiquet
Face à une grave crise humanitaire à Kaboul (Afghanistan), de nombreux enfants, dont de plus en plus de petites filles, sont condamnés à faire la manche sous l’emprise des morsures de l’hiver et de la neige. LP/Philippe de Poulpiquet 

    Notre série «L’Afghanistan des talibans»

    Cinq mois après la chute de Kaboul, nous nous sommes rendus au cœur de l’Emirat islamique d’Afghanistan entre les mains des talibans. Durant 9 jours, nous avons suivi le quotidien de ces «combattants» islamistes qui tentent de faire régner l’ordre, rencontré des filles aux rêves brisés, interrogé des militantes menacées de mort… Plongée dans l’enfer d’un pays au bord de la famine.

    La fillette faufile ses doigts à travers la vitre entrouverte de la Toyota. À quelques centaines de mètres de l’aéroport international de Kaboul (Afghanistan), la voiture est bloquée au rond-point surveillé par un quarteron de talibans armés. Les ongles de la misérable sont à moitié vernis de rose craquelé, ses paumes noires de crasse. La Corolla redémarre. La frêle mendiante aux mouvements de robot s’agrippe à la fenêtre, marche, court, puis accélère encore au rythme du chauffeur, risquant de trébucher et d’être écrasée. Elle ne lâchera pas, jamais, se laissant quasiment traîner jusqu’à enfin décrocher ce qu’elle suppliait : un petit billet.