Mohammed ben Salmane, le prince qui secoue l’Arabie saoudite

Le nouvel homme fort du royaume saoudien sera en visite officielle en France à partir de dimanche.

 Le prince Mohammed ben Salmane, ici à New-York le 27 mars, lors d’une rencontre avec le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres.
Le prince Mohammed ben Salmane, ici à New-York le 27 mars, lors d’une rencontre avec le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres. AFP/Bryan R. Smith

    Trois semaines aux Etats-Unis, trois jours en France. Vue sous cet angle, la visite à Paris (de dimanche à mardi) du prince héritier d'Arabie Saoudite, Mohammed Ben Salmane, n'est assurément pas un triomphe pour la diplomatie française. Surtout si l'on se rappelle qu' Emmanuel Macron lui avait sauvé la mise en novembre par une médiation permettant de libérer en douceur le Premier ministre libanais, Saad Hariri, qui avait été convoqué par Ben Salmane à Riyad puis retenu contre son gré, sous le regard interloqué du monde entier.

    Pour se consoler, le président français pourra toujours se dire que « MBS », comme on le surnomme, restera quand même un jour de plus en France que lors de son précédent passage sous François Hollande…

    Il secoue le royaume bâti sur l'immobilité

    L'homme qui arrive dans la capitale française ne risque en tout cas pas de passer inaperçu. Ni par sa stature de colosse, ni surtout par sa capacité à affoler le vent de l'Histoire. Ce jeune prince de 32 ans aux penchants shakespeariens secoue le royaume saoudien bâti sur l'immobilité. Premier fils de la troisième épouse de son père, le vieux roi Salmane, il n'était pas promis à s'approcher si près du trône. C'est son père qui en a décidé autrement.

    Charmeur et brutal, moderniste et conservateur, le jeune prince attaque sur tous les fronts : économique, sociétal, religieux et même militaire puisqu'il est à la fois vice-Premier ministre, président du conseil économique et ministre de la Défense.

    Convaincu que la révolution islamique qui s'est imposée en Iran en 1979 a fait perdre trente ans aux pays musulmans, MBS prône un islam modéré. Il engage un bras de fer avec le Qatar, son voisin qu'il accuse de rouler pour Téhéran. Pour préparer l'après-pétrole dans un pays où 70 % de la population a moins de 30 ans, il renverse la pyramide économique, fait arrêter pour corruption 300 personnalités, membres de la famille royale et chefs d'entreprise. Lui ne se refuse rien : château, yacht et tableau de Léonard de Vinci... Il ouvre les stades aux femmes, les autorise à conduire (bientôt) leurs voitures, même si pour l'heure elles demeurent encore juridiquement sous la tutelle d'un homme.

    «Ce qui compte, c'est qu'on est en train de bouger»

    Le plan économique pour 2030 vise à doubler le PIB et à créer six millions d'emplois. Frappés par le chômage, les jeunes saoudiens le soutiennent. « On ne peut accomplir ce programme sans nous ouvrir à des partenaires extérieurs, explique l'universitaire Hoda Abdulrahman Al-Helaissi, membre de la Shoura, l'assemblée consultative du royaume. Qu'importe que cette vision ambitieuse soit réalisée ou pas. Ce qui compte, c'est qu'on est en train de bouger. » Sa collègue Raedah Abunayan ajoute : « Tout n'est pas parfait mais nous voulons capter cet espoir. »

    Le plus gros point noir est la guerre au Yémen voisin dans laquelle Ben Salmane s'est engagé à la tête d'une coalition arabe pour faire face à la rébellion houthis, soutenue par l'Iran. Bombardements et blocus ont provoqué une catastrophe humanitaire dénoncée par les ONG. « Le prince ne mérite ni la Légion d'honneur, ni le tapis rouge mais des sanctions », s'indigne Bénédicte Jeannerod de Human Rights Watch. Mais Emmanuel Macron, lui, préférera seans doute voir le verre à moitié plein.