Quel sort pour les Français de Daech ?

Comment traiter les 600 à 700 Français qui se trouvent en Syrie et en Irak ? La question a été abordée ce week-end par le ministre des Affaires étrangères, à Bagdad.

Tal Afar (Irak). Si Daech ne cesse de perdre du terrain face aux forces irakiennes, très peu de combattants français de l’organisation terroriste sont détenus, étant incités à ne surtout pas se rendre.
Tal Afar (Irak). Si Daech ne cesse de perdre du terrain face aux forces irakiennes, très peu de combattants français de l’organisation terroriste sont détenus, étant incités à ne surtout pas se rendre. REUTERS/THAIER AL-SUDANI

    C'est une — grosse — épine dans le pied des autorités françaises et irakiennes. Un phénomène inédit, aussi, dans un conflit. Quel sort réserver aux combattants djihadistes étrangers? Que faire de leurs épouses et de leurs enfants? La question a été évoquée ce week-end à Bagdad entre le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, et son homologue irakien. Un casse-tête en perspective. Alors que l'organisation terroriste perd du terrain en Irak, la diplomatie tricolore s'attend à voir ces cas augmenter.

    Depuis 2014, quelque 250 djihadistes français ont été tués en Syrie et en Irak. « Les étrangers sont les plus exposés par Daech, relève un militaire de haut rang. Le commandement de l'organisation a tendance à les sacrifier. » Envoyés en première ligne ou chargés de mener des attaques suicides. Sur place, les services de renseignement estiment qu'ils sont environ 600 à 700 Français (40 % de femmes), dont 100 à 200 enfants. Sans parler de ceux qui sont nés sur place et des enfants de djihadistes décédés, des orphelins adoptés par des familles françaises sur place... « Il y a à peu près tous les cas de figure que l'on peut imaginer », explique un fin connaisseur du dossier.

    Les tribunaux irakiens compétents pour les juger

    Selon le Quai d'Orsay, « très peu » de Français sont détenus par les Irakiens. « Les combattants étrangers sont les plus endoctrinés. Ils se battent jusqu'au bout », relève un militaire. D'autant que l'idéologie de Daech ne les incite pas à se rendre. A ce jour, seul le cas d'une femme a été médiatisé. Cette détenue, qui se trouve en Irak avec ses quatre enfants, bénéficie, comme tous les ressortissants français, d'une protection consulaire, c'est-à-dire de visites d'un agent du consulat qui s'assure de ses conditions de détention.

    LIRE AUSSI
    > Les forces armées reprennent le centre de Tal Afar à Daech
    > Jusqu'à 3000 djihadistes du groupe Etat islamique pourraient revenir en Europe

    Mais, à ce stade, il est entendu entre Paris et Bagdad que, si les Irakiens veulent poursuivre ceux qui ont commis des crimes sur leur sol, leurs juridictions sont compétentes. Ces combattants ne seront pas extradés. « Ils doivent répondre de leurs actes devant la justice locale », précise une source diplomatique. Idem pour leurs épouses. « Mossoul n'est pas un centre de vacances, les femmes qui s'y sont rendues n'ont pas pu l'ignorer. L'Irak de Daech n'est pas une destination touristique », note un diplomate.

    Le sort des Lionceaux du califat, lui, est beaucoup plus compliqué. « Il se fera au cas par cas », explique-t-on dans l'entourage de Jean-Yves Le Drian. « Dans notre esprit, ils relèvent du traitement judiciaire de l'enfance. Nous dialoguons avec les autorités irakiennes pour nous assurer qu'ils pourront relever de cette logique », précise le ministre des Affaires étrangères. Leur prise en charge fait partie des préoccupations des autorités françaises après leur passage dans des sortes de « crèches » ou de « centres de formation » au djihadisme, sans parler du climat de violence dans lequel ils ont vécu. Une autre longue bataille en perspective pour (ré)apprendre la paix à ces petits Français de Daech.