VIDEOS. Turquie : neuf membres du journal d'opposition Cumhuriyet placés en détention

ISTANBUL (TURQUIE), LE 5 NOVEMBRE. Des manifestants protestent contre l'interpellation de journalistes du journal d'opposition Cumhuriyet.
ISTANBUL (TURQUIE), LE 5 NOVEMBRE. Des manifestants protestent contre l'interpellation de journalistes du journal d'opposition Cumhuriyet. AFP/ YASIN AKGUL

    L'intensification de la répression en Turquie s'est poursuivie samedi avec la mise en détention de neuf responsables et journalistes du principal journal d'opposition, au lendemain de l'arrestation de responsables politiques prokurdes et d'un attentat revendiqué par le groupe Etat islamique.

    Une manifestation a eu lieu à Istanbul pour protester contre ces interpellations, la police est intervenue pour disperser les manifestants comme le montre cette vidéo :




    Des mouvements ont également eu lieu à Cologne, l'Allemagne abritant la plus importante communauté kurde d'Europe, et à Paris.

    Les arrestations vendredi des chefs et de plusieurs députés du HDP, principal parti prokurde, ont été accueillies avec inquiétude à l'étranger, où l'on y voit une nouvelle étape dans les purges menées tous azimuts depuis le putsch avorté de juillet. Parmi les neufs personnes placées officiellement samedi en détention préventive se trouvent notamment le rédacteur-en-chef du journal Cumhuriyet, Murat Sabuncu, l'éditorialiste Kadri Gursel ou le dessinateur Musa Kart.

    Ils faisaient parti d'un groupe de 13 personnes dont l'arrestation en début de semaine a suscité un regain d'inquiétude pour la liberté de la presse en Turquie. Deux d'entre elles, le chef comptable du journal et son prédécesseur, ont été relâchées. Deux autres, les éditorialistes Hikmet Cetinkaya et Aydin Engin, ont été relâchées sous contrôle judiciaire en raison de leur âge et de problèmes de santé, a précisé l'agence turque Dogan.

    Le parquet avait annoncé au moment des arrestations que celles-ci se faisaient dans le cadre d'une enquête pour «activités terroristes» en lien avec le mouvement du prédicateur Fethullah Gülen - accusé d'avoir ourdi le putsch raté - et avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Cumhuriyet avait quant à lui assuré après ces arrestations qu'il lutterait «jusqu'au bout», dans un pays où la presse a été particulièrement visée par les purges menées depuis le putsch manqué de juillet. Quinze quotidiens, magazines et agences de presse, basés pour la plupart dans le sud-est à majorité kurde, ont été fermés ces dernières semaines.

    Les Kurdes doublement visés

    Vendredi, ce sont encore une fois les Kurdes qui étaient visés, cette fois du côté de leur représentation politique: les coprésidents du principal parti prokurde, le Parti démocratique des peuples (HDP), Selahattin Demirtas et Figen Yüksekdag, et une dizaine d'autres députés ont été arrêtés dans la nuit de jeudi à vendredi. Quelques heures plus tard, un tribunal de Diyarbakir a décidé de les placer en détention préventive, dans le cadre d'une enquête «antiterroriste» liée au PKK, selon l'agence progouvernementale turque Anadolu.

    Cinq autres députés du HDP ont également été placés en détention préventive à Diyarbakir et dans d'autres villes, selon la même source. Trois autres ont été relâchés sous contrôle judiciaire. Le HDP, deuxième parti d'opposition en Turquie, a estimé dans un communiqué que les arrestations marquaient «la fin de la démocratie» dans le pays.

    Peu après leur arrestation dans la nuit de jeudi à vendredi, un attentat à la voiture piégée a frappé dans la matinée de vendredi un bâtiment de la police à Diyarbakir, «capitale» du sud-est turc à majorité kurde, faisant neuf morts, dont deux policiers, et plus de cent blessés, selon un bilan de source officielle. Il a immédiatement été attribué par le Premier ministre Binali Yildirim au Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), une organisation classée comme terroriste par la Turquie, les Etats-Unis et l'Union européenne.

    Mais l'attentat a ensuite été revendiqué par l'organisation Etat islamique (EI), par l'intermédiaire de l'agence Amaq, organe de propagande du groupe djihadiste, selon le centre de surveillance des mouvements djihadistes SITE. Le leader de l'EI, Abou Bakr al-Baghdadi, avait appelé jeudi ses combattants à attaquer la Turquie pour se venger d'Ankara, très impliqué dans la lutte contre les djihadistes en Irak et en Syrie.

    Inquiétude de l'occident

    Et samedi, le HDP a fait remarquer que six de ses députés arrêtés se trouvaient justement dans le bâtiment visé, et avaient manqué de peu être touchés, suggérant que ceux-ci auraient pu être la véritable cible de l'EI - que les Kurdes combattent eux aussi en Syrie et en Irak. L'accès aux réseaux sociaux et aux messageries était également fortement perturbé depuis vendredi.

    La chef de la diplomatie de l'UE, Federica Mogherini, s'est dite «extrêmement inquiète» vendredi après les arrestations des responsables prokurdes. Washington s'est dit «profondément troublé» et a noté plus particulièrement que «restreindre l'accès à Internet sape la confiance dans la démocratie turque et sa prospérité économique».