Violences au Bangladesh : pourquoi le sort des minorités suscite l’inquiétude

En proie à une crise politique, le Bangladesh a aussi été lundi le théâtre d’attaques visant des minorités religieuses. Des violences qui suscitent l’inquiétude de diplomates étrangers.

Des attaques contre des lieux hindous ont été recensés depuis le début du mouvement de contestation. Reuters / Mohammad Ponir Hossain
Des attaques contre des lieux hindous ont été recensés depuis le début du mouvement de contestation. Reuters / Mohammad Ponir Hossain

    Ils se disent « très inquiets ». Les diplomates de l’Union européenne au Bangladesh se sont dit mardi préoccupé par le sort des minorités dans ce pays, après des attaques visant des communautés religieuses, au lendemain de la fuite de la Première ministre du pays en proie à des émeutes meurtrières.

    « Les chefs de mission de l’UE à Dacca sont très inquiets du fait d’informations faisant état de multiples attaques contre des lieux de culte et des membres de minorités religieuses, ethniques et autres au Bangladesh », est-il écrit dans un communiqué de l’Union européenne au Bangladesh, publié sur X et reposté par l’ambassadeur de l’UE dans ce pays Charles Whiteley.

    L’ambassade des États-Unis à Dacca a également appelé au « calme », dans un message publié sur X. « Nous sommes inquiétés par les informations faisant état d’attaques contre des minorités religieuses et des sites religieux au Bangladesh », a-t-elle indiqué. « De telles attaques contre les minorités vont à l’encontre de l’esprit fondamental du mouvement étudiant anti-discrimination », a déclaré Iftekharuzzaman, directeur de Transparency International Bangladesh, qui utilise un seul nom.

    Des commerces et maisons appartenant à des hindous ont été pris pour cible par des manifestants lundi, selon des témoins. Le média indien The Print a pour sa part fait état d’attaques ayant visé au moins deux temples hindous. La maison d’un musicien hindou célèbre, Rahul Ananda, a également été incendiée.

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    La police a signalé que des foules avaient également lancé des attaques contre les alliés de la Première ministre Sheikh Hasina. Les bureaux de son parti, la Ligue Awami, ont été incendiés et pillés dans tout le pays, ont indiqué des témoins oculaires à l’AFP.

    L’Islam religion d’État

    Des observateurs craignent que la crise politique actuelle ravive les tensions entre les communautés au Bangladesh. Selon le recensement national de 2022, cité par le département d’État américain dans un rapport, la population du pays compte environ 91 % de musulmans et 8 % d’hindous – le 1 % restant étant notamment constitué de chrétiens et de bouddhistes. La Constitution du Bangladesh défend le principe de laïcité mais désigne l’Islam comme religion d’État.

    Les minorités religieuses y sont régulièrement victimes de persécutions. L’ONG de défense des droits humains Odhikar a recensé 20 meurtres commis contre des membres de minorités entre 2007 et 2021. Près de 1 500 attaques contre des propriétés et des temples ont également été rapportées sur la même période.

    La minorité hindoue – la plus importante – est particulièrement ciblée : une série d’attaques contre ses représentants avait fait une dizaine de morts et des centaines de blessées en 2021, lors des célébrations de Durga Puja, une des grandes fêtes hindoues. Des épisodes similaires de violences s’étaient produits en 2016 et en 2012.

    « Pas d’instrumentalisation de la violence »

    Les Hindous sont d’autant plus visés que la dirigeante déchue Sheikh Hasina est accusée de proximité avec eux. Celle-ci s’était en effet rapprochée du Premier ministre indien Narendra Modi par opposition à son principal rival, le Parti nationaliste du Bangladesh (BNP), pour qui l’islam est une composante de l’identité bangladaise. « Il y a une forme de convergence des luttes entre Modi et Hasinah, qui en écrasant le BNP, muselait les partis nationalistes », explique Yohan Briant, directeur général de l’institut d’études de géopolitique appliquée.

    Pour ce spécialiste de la région, la situation actuelle ne suscite toutefois pas d’inquiétudes excessives pour le moment dans la mesure où il n’y a pas « d’instrumentalisation volontaire de cette violence par les politiques ». « Les attaques contre des minorités ne sont pas le fruit d’une décision politique, elles ont éclaté dans le pays mais la situation va finir par se calmer », anticipe-t-il.

    Les chefs de mission de l’UE dans le pays ont malgré tout appelé toutes les parties « à faire preuve de retenue, au rejet de la violence communautaire et au respect des droits de l’homme de tous les Bangladais ». Ils ont par ailleurs salué « les efforts déployés par le mouvement étudiant et d’autres pour protéger les minorités ».

    Mardi, le ministre indien des Affaires étrangères, Subrahmanyam Jaishankar, a également déclaré que New Delhi « surveillait la situation en ce qui concerne le statut des minorités ». Il a ajouté que le gouvernement resterait « profondément préoccupé jusqu’à ce que l’ordre public soit visiblement rétabli ».