Alphonse Daudet et sa maison du bonheur à Draveil (91)

Alphonse Daudet s’est offert la maison de ses rêves en 1887 dans le quartier de Champrosay à Draveil.
Alphonse Daudet s’est offert la maison de ses rêves en 1887 dans le quartier de Champrosay à Draveil. (DR.)

    Le nom d'Alphonse Daudet fait bien sûr penser à la Provence, associé comme il l'est à son ouvrage passé à la postérité, les « Lettres de mon moulin ». L'écrivain n'a pourtant vécu que très peu de temps dans le Sud, où il est né en 1840. Il a rejoint la région parisienne dès l'âge de 17 ans et s'est fixé à Draveil une dizaine d'années plus tard, en 1868, dans le quartier de Champrosay. Il habite alors chez les parents de sa femme, qui y louent l'ancienne demeure du peintre Eugène Delacroix. C'est là qu'Alphonse Daudet mettra la dernière touche à ses fameuses « Lettres de mon moulin ».

    En 1887, le succès aidant, Alphonse Daudet s'offre à 47 ans sa propre demeure, toujours dans le quartier de Champrosay. « Grosse affaire. Nous venons d'acheter une belle propriété : grande maison, six hectares au soleil, à champ... Nous avons eu le tout pour 112 000 francs, ce n'est pas une folie », écrit-il à son ami écrivain Edmond de Goncourt. « Cette maison, il l'a achetée avec ses droits d'auteur dans un endroit qui l'avait vu arriver pauvre », résume Isabelle Guignard, propriétaire actuelle de la bâtisse qui voue une vraie passion à l'ancien habitant des lieux.

    Alphonse Daudet s'installe avec sa femme et ses trois enfants. À l'époque, l'écrivain souffre déjà d'une affection syphilitique qui le handicape, l'obligeant à se déplacer avec des béquilles. Draveil est alors réputée pour son bon air et son environnement de forêts, de vignes, avec la Seine au bout du jardin de la propriété acquise par l'écrivain. « Il était fasciné par l'eau et disait qu'il aurait voulu être marin. Il faisait beaucoup de barque sur la Seine », précise Isabelle Guignard.

    Dans ce havre de paix, l'écrivain convie les artistes les plus fameux de son temps. La maison retentit des réceptions qui y sont données. Maupassant, Mistral, Zola, Proust, Rodin, Drumont... défilent. « Il avait l'esprit ouvert et recevait des jeunes talents comme des artistes confirmés, il aimait les échanges, il était très fort pour assembler les gens », note Isabelle Guignard.

    Aujourd'hui encore, les visiteurs peuvent admirer le tilleul planté dans le jardin par Edmond de Goncourt, l'un des créateurs de l'académie qui porte son nom. Il décédera d'ailleurs chez son ami le 16 juillet 1896. Autre habitué des lieux, l'écrivain et photographe Nadar, qui habite le même quartier.

    La très grande majorité de l'oeuvre d'Alphonse Daudet va s'inspirer de ces lieux, mais aussi de ses habitants. « C'est le cas du Dr Rouffy, médecin à Draveil du temps de Daudet, raconte Isabelle Guignard. Il était connu pour soigner beaucoup de gens en se faisant peu payer. Quand Alphonse Daudet créait un personnage bon dans l'un de ses romans, un personnage qui sauve, qui accueille, qui cache, il s'en inspirait et l'appelait toujours le Dr R... » Quand ce fameux médecin décéda, un monument fut édifié à son nom et Alphonse Daudet fit partie des donateurs.

    En 1897, l'affaire Dreyfus éclate. L'écrivain prend le parti des anti-dreyfusards. Mais il décède brutalement la même année, le 16 décembre à Paris à l'âge de 57 ans. Lors de ses funérailles, son cercueil est porté à la fois par le journaliste antisémite Édouard Drumont et par le défenseur d'Alfred Dreyfus, son ami Émile Zola, qui prononcera son éloge funèbre. Un an plus tard, sa femme vendra la maison.