Déconfinement des hôtels et restaurants : «C’est un travail de dentellière que nous menons»

Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, en charge notamment du tourisme, précise qu’une évaluation des conditions sanitaires fin mai est nécessaire avant de décider d’une date de réouverture pour les restaurants.

 « Si les conditions sanitaires le permettent, il y a aura une envie des Français de redécouvrir notre pays », estime Jean-Baptiste Lemoyne.
« Si les conditions sanitaires le permettent, il y a aura une envie des Français de redécouvrir notre pays », estime Jean-Baptiste Lemoyne. AFP/Ludovic Marin

    À l'issue de la réunion de vendredi à l'Elysée avec les professionnels du tourisme et de l'hôtellerie-restauration, Jean-Baptiste Lemoyne appelle les Français à un peu de patience avant d'organiser leurs vacances, qui se tiendront dans des conditions sanitaires très encadrées.

    Pourquoi n'a-t-on toujours pas de date pour la réouverture des bars et restaurants ? C'est terriblement stressant pour les professionnels…

    JEAN-BAPTISTE LEMOYNE. Je comprends leur angoisse et l'impatience des Français de reprendre le cours d'une vie normale, mais nous devons d'abord combattre ce virus! Ce vendredi matin, à l'Elysée, nous avons annoncé un renfort des mesures de soutien au secteur et présenté un calendrier pour les prochaines étapes. Le président a donné rendez-vous fin mai pour décider, au regard des conditions sanitaires, quelles pourraient être les dates de réouverture des activités touristiques. Mais il faut d'abord que nous nous assurions, dans les quinze premiers jours du déconfinement, que l'épidémie ne repart pas. Rien ne serait pire pour les hôteliers-restaurateurs et pour le secteur du tourisme que d'embaucher des saisonniers, de faire des stocks et de ne pas pouvoir repartir! D'ici là, nous travaillons d'arrache-pied avec les professionnels sur des protocoles sanitaires pour permettre la réouverture dans les meilleures conditions.

    Ça va ressembler à quoi demain un dîner au restaurant ?

    Il y a une forte demande de sécurité des consommateurs et les professionnels se sont pris en main. Ils nous ont remis un guide de bonne pratique, que nous étudions avec le ministère du Travail. Concrètement, pour un restaurant, cela pourrait signifier par exemple un mètre de distance entre les tables et des employés qui se lavent les mains toutes les demi-heures. Bref, des mesures pour protéger les professionnels et leurs clients afin de permettre, le moment venu, la réouverture de ces établissements qui sont une composante de l'âme française. Ils sont « l'art de vivre à la française », comme le dit le président.

    Vous allez mettre un masque à Philippe Etchebest…

    Au contraire, nous avons besoin de sa parole, je travaille chaque jour avec lui. Il a réuni autour de lui des restaurateurs et des chefs d'entreprise du secteur, et ils nous font beaucoup de propositions constructives!

    On va pouvoir aller à la plage cet été ?

    Ne mettons pas la charrue avant les bœufs. Nous sommes en train de préparer le déconfinement et des protocoles sanitaires pour les hôtels-restaurants. Nous regardons ce qui se fait à l'étranger, en Australie ou en Belgique. Aujourd'hui, il n'est pas possible de répondre précisément à votre question, mais il y aura sûrement des mesures différenciées selon qu'on est, par exemple, dans un jardin de plein air, comme le jardin de Villandry en Indre-et-Loire, ou un lieu plus confiné comme un restaurant. C'est un travail de dentellière que nous menons. Avec une priorité : on ne joue pas avec la santé des Français.

    Airbnb sera aussi concerné par ces nouvelles règles d'accueil ?

    Absolument. Nous avons demandé à toutes les activités touristiques de nous faire des propositions sanitaires, et il en va des plateformes commercialisant des logements comme de l'ensemble des hébergements.

    La saison estivale est-elle fichue ou la clientèle française peut-elle la sauver ?

    Il est trop tôt pour se prononcer, mais j'ai la conviction que, si les conditions sanitaires le permettent, il y a aura une envie des Français de redécouvrir notre pays après une période traumatique. La France est la première destination mondiale, avec 90 millions de touristes internationaux, mais le moteur du secteur ce sont les Français qui vont dans les campings, les parcs de loisirs, qui découvrent les joyaux de notre patrimoine. Ils représentent les deux tiers des recettes touristiques. Nous travaillons à des mesures pour encourager ce tourisme domestique, ce qu'on appelle le « tourisme pour tous », le tourisme social, avec l'Agence nationale pour les chèques vacances (ANCV). Un plan de relance sera présenté le 14 mai, lors d'un comité interministériel présidé par le Premier ministre à Matignon.

    A-t-on une idée du manque à gagner pour le tourisme, à ce stade ?

    C'est considérable, c'est de l'ordre de 10 milliards d'euros (Mds€) chaque mois ! C'est pourquoi nous avons décidé d'un accompagnement économique massif, de quelque 8 Mds€. Le chômage partiel sera prolongé pour le secteur au-delà du 11 mai et le fonds de solidarité étendu. Il y aura une annulation totale des charges pour les TPE et PME, de moins de 250 salariés, pendant quatre mois. Le plafond des subventions est porté de 5000 à 10 000 euros. Tous les mardis, je réunis les professionnels, au sein du comité de filière tourisme, pour évaluer les mesures et les ajuster. Et nous travaillons main dans la main avec le commissaire européen Thierry Breton afin que le plan de relance européen dégage des moyens significatifs pour le secteur du tourisme.