Le Pen, sans passion

Marseille (Bouches-du-Rhône)  

Le Pen, sans passion

    L'aveu est inattendu : « Cette campagne est moins vivante et passionnante que celle des dernières élections européennes », glisse Jean-Marie Le Pen. Ce vendredi, la tête de liste FN dans le Sud-Est embarque à bord d'un jet d'affaires Citation à Saint-Etienne. Le Pen et son équipe de trois collaborateurs rejoignent Marseille. Douze mille euros la location du jet, pour deux jours : avec quatre déplacements déjà accomplis, l'opération est un investissement de poids pour ce parti gêné par les dettes au point d'avoir mis aux enchères son siège historique, le Paquebot. « La location de l'avion est comprise dans les frais de campagne et nous sera donc remboursée », nuance-t-on au FN.

    Dans les Bouches-du-Rhône, le chef d'extrême droite a rendez-vous avec des viticulteurs à Manosque. Le Pen assure le service minimum. Mais à 80 ans, il le jure : « Je ne suis pas fatigué. » Sa santé ? « Regardez-moi, j'ai l'air de bien me porter. Je fais toujours mes 45 pompes par jour. »

    Il vit sa campagne sans enthousiasme, mais garde ses formules parfois cinglantes. Lorsqu'on lui glisse que Nicolas Sarkozy, en petit comité, raille « un parti qui n'arrive plus à rassembler 2 000 militants », Le Pen sort les crocs : « C'est un acrobate prestidigitateur. Il croit nous avoir tués, mais il nous a simplement volés. Je sens le vent tourner. » Il n'hésite pas à fixer un seuil qui le satisferait pour le scrutin du 7 juin. « Au-dessus de 10 % sur le plan national, ce serait une bonne surprise. » Son programme pour les européennes ? Il le répète comme un air de chanson paillarde ou sur le mode d'un refrain à la Jean Ferrat, qu'il aime fredonner. « C'est l'euromondialisme qui est responsable de la crise mondiale. »

    Des conseils à Dieudonné

    De cette campagne qui, dit-il, ne « passionne pas les foules », il souligne deux « bonnes surprises » : la candidature de sa fille Marine dans le Nord et celle de son « ami », l'humoriste controversé Dieudonné. « Il peut faire un bon score dans les banlieues, car sa liste bénéficie de l'effet de surprise. Il représente quelque chose dans les quartiers », estime Le Pen, parrain de la fille de Dieudonné. Un parrain qui se mue parfois en conseiller politique. « Le jour où Dieudonné a déposé sa candidature, son épouse m'a appelé pour me demander conseil. Paniquée, elle m'a rapporté : Nous sommes à Paris, encerclés par des CRS. Que devons-nous faire monsieur Le Pen ?

    Je lui ai répondu : Profitez ! Ce n'est pas tous les jours que cela arrive ! »

    De l'avion, il reconnaît l'étang de Berre. Les yeux rivés sur le hublot, il glisse sur la colère des eurodéputés, qui veulent l'empêcher de présider le Parlement en sa qualité de doyen. « J'ai bien d'autres soucis, vous savez. Je dois déjà préparer les régionales où je suis candidat en Paca. » Ce sera peut-être bien son dernier combat électoral, avant de passer la main à sa fille Marine, qui vise la candidature à la prochaine présidentielle. « Mais on ne sait jamais, nous sommes dans la main de Dieu », glisse un Le Pen un brin mystérieux.