Interdiction du burkini : pour Rossignol, «procéder par amalgame n'est jamais utile»

Laurence Rossignol, ministre en charge des Droits des femmes depuis avril 2014, condamne le burkini. Mais l’ex-sénatrice PS de l’Oise met en garde contre le risque d’instrumentalisation des musulmans dans les campagnes à venir.
Laurence Rossignol, ministre en charge des Droits des femmes depuis avril 2014, condamne le burkini. Mais l’ex-sénatrice PS de l’Oise met en garde contre le risque d’instrumentalisation des musulmans dans les campagnes à venir. (LP/Delphine Goldsztejn.)

    Laurence Rossignol, ministre en charge des Droits des femmes depuis avril 2014, condamne le burkini. Mais l'ex-sénatrice PS de l'Oise met en garde contre le risque d'instrumentalisation des musulmans dans les campagnes à venir. « II y a […] une surenchère dans la façon de répondre »

    Pourquoi condamnez-vous le port du burkini ?

    LAURENCE ROSSIGNOL. Le burkini n'est pas une nouvelle ligne de maillots de bain ou une nouvelle fantaisie. C'est plutôt la version plage de la burqa, car c'est la même logique : il s'agit d'enfermer, de dissimuler le corps des femmes pour mieux les contrôler. Derrière cela, il y a une vision profondément archaïque de la place de la femme dans la société et donc des rapports entre les hommes et les femmes. Il y a l'idée que, par nature, les femmes seraient impures et impudiques et qu'il faudrait donc cacher leur corps, l'enfermer, l'effacer, le gommer de l'espace public. Rien de très nouveau, d'ailleurs ! Il y a une centaine d'années, une femme qui dévoilait ses chevilles ou sortait « en cheveux » n'était pas une femme vertueuse.

    C'est donc un vêtement qui, selon vous, rabaisse la femme ?

    Le contrôle du corps des femmes et de leur sexualité a été l'enjeu central des sociétés traditionnelles. Et pour s'émanciper, les femmes ont dû s'affranchir de ce contrôle. Si le burkini crispe autant, c'est en raison de sa dimension politique, collective. Ce n'est pas seulement l'affaire de celles qui le portent car il est, pour moi, le symbole d'un projet politique hostile à la mixité et à l'émancipation des femmes. Ce sont des intégristes. Et ceux qui les défendent au nom des libertés se font avoir. Les intégristes font toujours beaucoup de bruit, se posent toujours en victimes et parasitent des idéaux ou des religions.

    QUESTION DU JOUR. Pensez-vous que les arrêtés anti-burkini servent à quelque chose?  

    Des arrêtés antiburkini sont-ils vraiment nécessaires ?

    Ce que j'observe c'est qu'il y a une escalade dans les provocations et une surenchère dans la façon d'y répondre. C'est aux maires d'apprécier les éventuels troubles à l'ordre public. Et de le faire dans le respect du droit.

    Pensez-vous que les arrêtés antiburkini seront réellement efficaces ?

    L'efficacité, c'est de rappeler les règles de mixité et d'égalité femmes-hommes. Et le faire sans arrière-pensées. Quand des arrêtés municipaux invoquent le contexte terroriste, cela n'apporte rien. Procéder par amalgame n'est jamais utile. Il va nous falloir beaucoup de sang-froid pour combattre sur deux fronts, deux pôles politiques qui semblent antagoniques mais sont très proches : les uns et les autres veulent faire de l'islam un sujet politique et instrumentaliser les musulmans dans les campagnes à venir. Et nous, nous voulons protéger toutes celles et ceux qui vivent en France des intégrismes et des extrémismes.