Et discrètement... Le robot chinois Zhurong se posa sur Mars

Mission accomplie : le rover de la mission Tianwen-1 a atterri dans la nuit de vendredi à samedi sur la planète rouge. L’engin donnant signe de « vie », la Chine semble réaliser un exploit que seuls les Etats-Unis avaient réussi jusqu’à présent. L’épilogue d’une séquence mystérieuse.

Détail d'une image haute résolution de Mars prise par la sonde Tianwen-1, le 4 mars. CNSA
Détail d'une image haute résolution de Mars prise par la sonde Tianwen-1, le 4 mars. CNSA

    Les Américains ne seront plus seuls sur Mars ! A 1h18 du matin (heure de Paris) samedi, la Chine est manifestement parvenue à faire atterrir son robot Zhurong à la surface de la planète rouge. Et à obtenir un signe de « vie » de l’engin. Elle devient ainsi le deuxième pays à faire fonctionner une machine sur la voisine de la Terre, après les Etats-Unis. Malgré un atterrissage en douceur il y a cinquante ans, la sonde soviétique Mars 3 était tombée en panne au bout de vingt secondes. Plus récemment, les missions européennes Beagle 2 et Schiaparelli s’étaient également soldées par des échecs.

    Ce n’est qu’environ 1h20 après le succès de Zhurong que l’agence de presse officielle Xinhua a confirmé la nouvelle, sans en donner l’heure exact. Sur le réseau social Weibo, elle a publié une animation illustrant l’atterrissage sous un en-tête à la Star Wars, saluant une « étape importante ». La télévision d’Etat CCTV a aussi mis fin aux spéculations : « L’atterrisseur Tianwen-1 s’est posé avec succès dans la zone prédéfinie. »

    Ces annonces ont été précédées d’un silence assourdissant, y compris pendant les manœuvres, contrastant avec l’avalanche de messages et de photos de la Nasa qui avait entouré l’atterrissage de la sonde Perseverance, le 18 février dernier. « Les Chinois ne communiquent pas et refusent que les événements soient retransmis en direct. Il y a une maîtrise de l’information qui est assez stricte », commente Francis Rocard, responsable des programmes d’exploration du système solaire au Centre national d’études spatiales (Cnes). Faute d’échos officiels, les passionnés d’espace, sur Internet, ont compté à rebours jusqu’aux fameuses « sept minutes de terreur » qui ont suivi l’entrée de la sonde dans l’atmosphère martienne.

    Sur Twitter, Thomas Zurbuchen, administrateur associé de la direction des missions scientifiques de la Nasa, a promptement félicité l’équipe de la mission Tianwen-1. Pour Francis Rocard, atterrir ainsi sur Mars constitue un « très bel exploit ». « Les Chinois ont joué gros dans cette histoire. C’est extrêmement ambitieux. Ils n’avaient jamais rien envoyé vers Mars, ils n’avaient pas d’expérience. Ce sont les premiers au monde qui dès la première tentative ont lancé à la fois un orbiteur, un rover et un atterrisseur. »

    Un partenaire laissé dans le flou

    A l’image des missions américaines Viking, de 1976, la sonde Tianwen-1, placée en orbite en février, a passé plusieurs semaines à étudier les conditions d’atterrissage et à trouver le site idéal, avec le moins de rochers possibles. « Ce choix tardif vient du fait que les Chinois n’avaient pas de très bonnes caméras en orbite, comme Mars Reconnaissance Orbiter », note Francis Rocard. Le robot Zhurong s’est posé dans les grandes plaines du Nord de la planète, une région qui limitait les risques. « Le site Utopia Planitia a deux avantages. Son altitude est très basse ce qui facilite l’atterrissage, en laissant le temps de freiner. Et c’est extraordinairement plat, loin des plateaux cratérisés. »

    Aux atermoiements sur le lieu s’est ajouté le mystère sur la date. Pendant longtemps, la fenêtre envisagée officiellement s’étalait entre mi-mai et juin. Après 24 heures de rumeurs, l’Administration spatiale chinoise (CNSA) avait finalement publié un court communiqué vendredi matin. « Tianwen-1 choisira une opportunité d’atterrir dans un proche avenir », déclarait l’agence, qui annonçait une plage s’étalant du 15 au 19 mai.

    A ce moment-là, même l’astrophysicien français Sylvestre Maurice, qui contribue pourtant à la mission, avait été laissé dans le flou. « Je ne sais même pas quand il se pose, ce qui n’est pas sain et ce qui m’inquiète un peu pour notre collaboration avec eux. Les scientifiques chinois avec lesquels on travaille ne veulent pas nous dire. C’est vraiment compliqué. Ils sont toujours sous le secret », nous confiait-il.

    Pas de retour d’échantillons

    La France est le seul pays à avoir participé à la réalisation des instruments de Zhurong, la Chine ayant doté son robot d’une réplique de ChemCam, la caméra laser de Curiosity. « C’est une copie assumée, avec une rhétorique chinoise qui dit : je vous fais un honneur de vous copier ! », sourit le chercheur de l’Institut de recherche en astrophysique et planétologie (Irap). Quant à l’Agence spatiale européenne (ESA), elle a mis à disposition de la Chine son réseau d’antennes jusqu’à l’entrée en orbite de Tianwen-1.

    Pour la Chine, cette mission sert avant tout à tester plusieurs capacités, atterrir sur Mars et commander des outils. Contrairement à Perseverance, Zhurong ne possède pas de bras manipulateur. Les mesures se font donc à distance. Le retour de roches martiennes, ce sera pour une autre fois… « Si la mission est un succès, certainement qu’ils planifieront un retour d’échantillons. Il faut voir la rapidité de l’acquisition de toutes ces technologies par la Chine. Pour elle, c’est important de montrer qu’elle les maîtrise », commentait peu avant l’événement Karl Bergquist, administrateur de l’ESA en charge de la coopération avec la Chine.

    Quitte à rester sur sa faim quant à l’avancée des connaissances ? C’est ce que prédit Francis Rocard : « Le retour scientifique des missions chinoises, lunaires par exemple, n’est pas extraordinaire. Ils n’ont pas encore les meilleurs instruments qui soient. Il est difficile de faire vraiment de la nouvelle science avec ce dont ils disposent. C’est un début. »