Coronavirus : la chloroquine, médicament miracle ou illusion ?

Nous avons joint ce dimanche le professeur Raoult qui nous assure que son traitement fonctionne pour soigner les malades atteints du virus. Le ministère de la Santé se montre toutefois prudent et une grande étude est lancée.

 Des médecins fondent beaucoup d’espoir sur la molécule du médicament chloroquine pour enrayer la pandémie du coronavirus.
Des médecins fondent beaucoup d’espoir sur la molécule du médicament chloroquine pour enrayer la pandémie du coronavirus. LP/Olivier Corsan

    Sera-t-il le chercheur français qui a découvert le remède au coronavirus ou un charlatan qui a vendu du rêve? Tout le monde se pose la question depuis que l'infectiologue Didier Raoult a annoncé avoir obtenu des résultats « exceptionnels » en traitant les patients atteints du Covid-19 avec un traitement à base de chloroquine, un antipaludéen utilisé depuis plusieurs décennies et connu des voyageurs sous le nom de nivaquine.

    Six jours après en avoir administré à des malades, seulement 25 % d'entre eux étaient encore porteurs du virus, quand 90 % de ceux qui n'avaient pas reçu ce traitement étaient toujours positifs. Des résultats balayés d'un revers de main par certains de ses confrères qui ne le prennent pas au sérieux et remettent en cause sa méthode d'essai thérapeutique.

    Mais la donne a changé depuis que le ministre de la Santé a annoncé samedi que ce traitement allait être expérimenté « à plus large échelle » par « d'autres équipes indépendantes ». Dans une interview sans langue de bois, le professeur Raoult, spécialiste des maladies infectieuses tropicales émergentes, que nous avons joint dimanche matin, affirme sans l'ombre d'un doute que ce traitement, tout le monde y viendra.

    « Je ne suis pas un outsider, je suis en avance »

    « J'ai demandé à ce que l'étude du professeur Raoult puisse être reproduite […] dans d'autres centres hospitaliers, par d'autres équipes indépendantes », a de son côté indiqué Olivier Véran. Le gouvernement reste lui aussi très prudent car les résultats obtenus l'ont été sur 24 malades seulement, sans placebo. « Jamais aucun pays au monde n'a accordé une autorisation de traitement sur la base d'une étude comme celle-ci », souligne Olivier Véran. « Ça suffit ce genre de conneries et ces effets d'annonce affirmant qu'on a trouvé le médicament miracle, fulminait jeudi dernier un infectiologue de l'hôpital Mondor lorsqu'on lui demandait son avis sur ces travaux. Il aime bien faire de grandes déclarations mais où sont les publications scientifiques ? »

    Habitué aux critiques, Raoult persiste et signe : « Je ne suis pas un outsider, je suis en avance », se targue le chercheur qui s'autoproclame « star mondiale » dans son domaine. Avec ses longs cheveux blond filasse, ses grosses lunettes cerclées de métal, sa barbe fournie et son allure fantasque, c'est peu dire qu'il détonne dans le milieu bon teint de la médecine. « Ce n'est pas moi qui suis bizarre, ce sont les gens qui sont ignorants », confiait-il récemment sans une once d'humilité. Evidemment, il n'est pas peu fier que le président américain Donald Trump ait lui-même salué ses travaux cette semaine. Il en oublie juste de préciser que l'organisme fédéral qui supervise la commercialisation des médicaments aux Etats-Unis a tempéré l'enthousiasme présidentiel.

    VIDÉO. Coronavirus : un traitement contre le paludisme pourrait suffire pour guérir

    Le patron des sénateurs LR Bruno Retailleau a pourtant exhorté ce dimanche le gouvernement à ne pas « prendre de retard » et à prescrire le médicament « en milieu hospitalier ». Le maire de Nice, Christian Estrosi (LR), lui-même contaminé par le coronavirus, a dit le même jour qu'il avait « envie qu'on fasse confiance » à Didier Raoult. Mais le ministre de la Santé a voulu samedi rester prudent. « Aujourd'hui je n'ai aucune donnée suffisamment validée scientifiquement, médicalement, pour tendre à une recommandation », a-t-il expliqué. Si les résultats étaient concluants, il certifie que « tout est prêt » pour « aller vers une voie thérapeutique » mais prévient : « L'histoire de maladies virales est peuplée de fausses bonnes nouvelles, peuplée de déceptions, de prises de risques inconsidérées aussi. »