Tour de France : descendre, c’est tout un art

    Comme en 2016, la victoire finale sur ce Tour se sera en partie jouée en descente. Là où les attaques de Chris Froome ou Romain Bardet font plus de différences. Bert Blocken, professeur  en aérodynamique, décrypte les positions les plus efficaces.

    Cette année encore, le Tour se joue en partie dans les descentes. Mercredi encore, dans celle du Galibier, Romain Bardet, Chris Froome et Rigoberto Uran, à l'attaque, ont réussi à sortir Fabio Aru du jeu pour la victoire finale. Les grosses équipes verrouillant les ascensions, les prétendants au maillot jaune ont compris que l'ouverture se faisait parfois moins difficilement en prenant des risques à grande vitesse.

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    L'an passé, déjà, Froome et Bardet avaient ainsi fait de grands numéros. Ce qui n'avait pas échappé à Bert Blocken. Dans son laboratoire de l'université de technologie d'Eindhoven, aux Pays-Bas, ce professeur en aérodynamique se passionne pour l'écoulement de l'air. Alors quand le Britannique Chris Froome avait entamé la descente du col de Peyresourde, dans les Pyrénées, lors de la 8e étape du Tour 2016, dans une position de recherche de vitesse inédite, le buste sur le guidon et les fesses décollées de la selle, le chercheur et le passionné de cyclisme ont été piqués au vif. « On s'est immédiatement contacté par mail pour savoir si au delà du bruit médiatique», relate Thierry Marchal, directeur mondial sport et santé d'Ansys, la société qui a permis de lancer des millions de calculs pour simuler numériquement différentes positions aérodynamiques. Et arriver à la conclusion que la position Froome est « dangereuse et inefficace ».

    Détaillez-nous la position de Chris Froome...
    Bert Blocken.
    Il est assis sur la barre supérieure du cadre de son vélo, avec sa poitrine sur le guidon. et la tête quasiment à la hauteur de la dernière partie de la roue avant. Enfin, il alterne le pédalage et les moments statistiques.

    Dans la soufflerie de l'université de Liège, les positions des cyclistes en descente sont testées pour établir quelle est la plus efficace: en jaune la position Froome, en rose la position Pantani, en bleu la position «back flat» et en vert la position «back down» (LP/ Jean-Nicholas Guillo)

    Pourquoi n'est-ce pas aérodynamiquement efficace ?
    On a procédé en deux temps. D'abord des tests en soufflerie sur des modèles réduits avec quatre positions de recherche de vitesse (voir infographie). Et ensuite une simulation numérique. Nous sommes arrivés à la même conclusion. La position de Froome génère trop de bruit aérodynamique. D'abord avec sa zone frontale et son buste, trop exposés. Ensuite, l'air s'écoule derrière le dos directement vers la selle et provoque des perturbations à ce niveau qui peuvent déstabiliser le vélo et ralentir. Par ailleurs, tout le poids du cycliste se situe sur l'avant ce qui ne permet pas de diriger correctement son vélo et de réagir en cas de danger. En conclusion : c'est trop risqué pour un gain aléatoire.

    Christopher Froome descendant dans une position classique lors de la 17e étape, suivi de Fabio Aru (AFP / Lionel Bonaventure). 

    Comment expliquez que Chris Froome n'a dès lors pas perdu de temps dans la descente du col de Peyresourde ?
    Essentiellement au fait que ses poursuivants Quintana, Yates et Mollema ont, eux, très mal descendu le col en adoptant la position classique. Froome a donc pu préserver son avance au sommet (NDLR : il bouclera l'étape avec treize secondes d'avance). A contrario dans les derniers kilomètres de Paris-Nice cette année, on a vu Contador adopter cette position et elle lui a coûté sans doute la victoire finale (NDLR : l'Espagnol a fini 2e, à deux secondes de Henao).

    Quelle est dès lors la position la plus efficace ?
    Celle qu'on appellera Sagan. Elle ressemble beaucoup à celle de Froome. A la différence que le dos est collé à la selle, il y a donc moins de perturbations. Le poids du coureur est réparti également sur le vélo. Elle reste quand même risquée. Tout comme celle adoptée par Pantani, qui est efficace mais empêche tout pédalage. Finalement, la position dite dos incliné apporte un gain non négligeable et de la sécurité.