Ivry : la misère se cache rue Mirabeau

Hordes de rats, cafards, déjections humaines..De l’aveu même d’un inspecteur de salubrité à la ville, les conditions de vie dans le bidonville et dans le squat de la rue Mirabeau « sont indignes ».

 Ivry, mercredi dernier. Le bidonville de la rue Mirabeau devrait être démantelé à la fin de la trêve hivernale.
Ivry, mercredi dernier. Le bidonville de la rue Mirabeau devrait être démantelé à la fin de la trêve hivernale. LP/M.Fr.

    Qui n'a jamais poussé la porte du 62, rue Mirabeau, n'a rien vu de la misère à Ivry. Ici, dans ce bidonville dont le démantèlement est prévu à l'horizon du mois de mars, l'air est vicié. Des hordes de rats gros comme des chatons se chamaillent le bout de gras en poussant des cris stridents tandis que les enfants, indifférents à toute cette noirceur, se tiennent devant les baraques, bancales, faites de tôles et de bois.

    « Les rats ? Ils ne me font pas peur, sourit un garçon. Chez moi, c'est chez eux. Ils entrent et sortent tout le temps. »

    Comme lui, ils sont près de 70 à 80 à survivre là, à deux pas de Paris et de son périphérique. Pourtant, rien n'est perceptible depuis la rue, propre et nettoyée. La misère se cache bien. Sauf lorsque l'eau vient à manquer et qu'il y a des enfants en bas âge.

    C'est justement le cas, à deux pas du bidonville, dans un squat situé de l'autre côté du trottoir. Dans cet immeuble, désaffecté, deux familles ont élu domicile. Cinq enfants vivent là, dont un bébé de deux mois..

    Situation indigne

    « Ils n'ont pas d'eau, pas de toilettes. Du coup, lorsqu'ils n'ont pas d'autres solutions, il leur arrive de faire leurs besoins derrière l'immeuble. Ils jettent des seaux d'eau pour nettoyer mais ce n'est pas suffisant » Une situation « indigne », selon le voisinage « scandalisé » que l'eau soit coupé dans cet immeuble squatté.

    « C'est dur », s'excuse Elena, l'un des mères de famille. Dans l'appartement, dont les murs sont recouverts de posters d'enfants et d'une tenture, un réchaud et une bonbonne d'eau, pour tenir le coup.

    « On a pris un arrêté de péril non imminent sur l'immeuble ainsi qu'un arrêt d'insalubrité, la toiture doit être refaite bientôt », détaille Bernard Prieur, inspecteur de salubrité à la ville et membre du collectif de soutien aux Roms d'Ivry.

    Un point d'eau bientôt ouvert

    Il reconnaît sans difficulté « des conditions de vie indigne qui engagent la responsabilité de l'Etat. » Alerté sur l'absence d'arrivée d'eau, et après visite de l'appartement ce jeudi, il assure qu'un « point d'accès à l'eau va être ouvert dans l'appartement ou dans l'immeuble. » Concernant les toilettes, « c'est une vraie question mais l'état des réseaux de l'immeuble n'est pas forcément en état ».

    Une situation compliquée mais qui n'a rien d'inédit dans cette ville, ou les habitants du bidonville Truillot, longtemps l'un des plus grand du Val-de-Marne, avait fait l'objet d'un accompagnement sans précédent et d'une intégration par le logement après son démantèlement, en 2015.

    UN PROJET D'HABITAT PARTICIPATIF À LA PLACE DU BIDONVILLE

    Le sort des habitants du bidonville est scellé. Le camp devrait être démantelé après la trêve hivernale. Et pour cause : l'avenir du 60 et 62, rue Mirabeau, a été précisé lors du dernier conseil municipal, jeudi dernier. Le principe d'une vente à la société Coopérative de production HLM Coopimmo a été validé en vue de réaliser un projet de coopérative d'habitants non spéculative.

    Si les conditions essentielles de cette cession restent à définir, le projet immobilier prévu comprendra 16 à 20 logements en habitat participatif sur un modèle de coopérative d'habitants dénommée « Maison Commune d'Ivry ». « Ces futurs habitants seront donc amenés à concevoir et gérer collectivement leur logement, notamment de par la présence et l'usage d'espaces communs et mutualisés », est-il précisé.