LE PARISIEN MAGAZINE. Un collège pour toutes les classes

Effectifs réduits, pédagogie innovante, travaux de rénovation... Dans un quartier défavorisé d’Amiens, le collège Arthur-Rimbaud met tout en oeuvre pour attirer des élèves de familles aisées. Mission réussie!

    Les balles jaunes fusent sur les courts du Tennis Club Amiens Métropole. Clément, 15 ans, décoche un smash. Cet ado élevé par sa mère, veuve et sans emploi, a découvert ce sport au collège Arthur-Rimbaud d'Amiens (Somme), un établissement de 430 élèves en REP+ (Réseau d'éducation prioritaire, avec des moyens renforcés), situé au coeur du quartier défavorisé d'Amiens-Nord. Il fait partie des 34 élèves de la section tennis, « créée il y a douze ans, explique Julien Piette, professeur d'éducation physique et sportive, pour que les enfants de notre secteur puissent accéder à une pratique à laquelle leur catégorie sociale ne les prédispose pas – ils sont plutôt orientés vers le foot ou la boxe. Mais aussi pour attirer des familles plus aisées ». Le manque de mixité sociale est le gros point noir du système éducatif français qui, comme l'a confirmé le dernier classement Pisa, en décembre 2016, demeure l'un des plus inégalitaires des pays développés. Selon cette étude, qui mesure tous les trois ans les performances des systèmes scolaires, les résultats de nos élèves de 3e sont liés à 20 % à leur milieu socio-économique, contre 13 % pour la moyenne des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). La section tennis fait justement partie du plan destiné à introduire de la mixité sociale à Arthur-Rimbaud, où près de 100 % des élèves venaient de milieux défavorisés. « Le collège, enclavé dans une zone de trafics en tous genres, avec voitures brûlées et descentes de police, avait mauvaise réputation. Les parents des enfants de CM2 de Saint-Pierre, un quartier voisin mieux loti, sectorisés sur Arthur-Rimbaud, faisaient tout pour les inscrire ailleurs », raconte Michel Gamain, le principal du collège.

    Des moyens renforcés

    Le collège a été déplacé de 800 mètres sur la même avenue et a rouvert en 2003 dans un bâtiment ultramoderne. Une navette a été mise en place pour conduire les enfants de Saint-Pierre aux portes de l'établissement: de quoi rassurer les parents. Grâce au statut de REP+, le collège bénéficie de moyens renforcés en heures d'enseignement et en personnels. Les enseignants accueillent des classes de 18 à 23 élèves, ce qui permet un meilleur suivi individuel et du travail en petits groupes. Ils mettent en oeuvre une pédagogie innovante, sans notes en 6e, 5e et 4e.

    Parmi ses 430 élèves, l'établissement en accueille 13 en unité localisée pour l'inclusion scolaire (des enfants en situation de handicap) et 24 intellectuellement précoces, venus de tout le département. Comme tous ses collègues, Khalid Elinani, professeur de maths, doit gérer des niveaux très différents au sein d'une même classe. « La mixité sociale est une excellente chose mais elle ne peut être imposée: il faut donner aux collèges les moyens d'être attractifs, car les parents de milieux favorisés trouveront toujours une façon d'éviter l'établissement de leur secteur, en se tournant vers le privé, par exemple », plaide-t-il. Mission réussie pour Arthur-Rimbaud. En 2016, il a obtenu 84,6 % de réussite au Brevet, juste en dessous de la moyenne nationale (87,3%).

    Des initiatives anti-ghettos

    Depuis la rentrée 2016, 25 territoires pilotes en France testent des solutions pour favoriser la mixité à l'école, dont l'Hérault. Ainsi, le collège Simone-Veil à Montpellier, qui n'accueillait que des élèves défavorisés, a commencé cette année à attirer de nouveaux élèves en ouvrant une section internationale anglo-américaine et un pôle rugby. D'autres territoires doivent suivre à la rentrée 2017, comme Paris, où le projet de créer deux secteurs « multicollèges » dans le 18e arrondissement passe mal auprès de parents d'élèves : les secteurs de recrutement de Marie-Curie (34 % d'élèves défavorisés en 2015-2016*) et Gérard-Philipe (56 %) d'une part, et Coysevox (12 %) et Berlioz (47 %) d'autre part seront fusionnés pour équilibrer les sociologies de ces collèges voisins. *Chiffre de l'Académie de Paris pour l'année scolaire 2015-2016.