« On a tout fait pour elle » : les fils de Jeanine, morte au milieu des rats, témoignent de leur impuissance

Au lendemain des obsèques de leur mère, les deux enfants de Jeanine doivent affronter les mots des anonymes qui les accusent de l’avoir abandonnée. Ils témoignent de la difficulté d’aider un proche qui refuse toute main tendue.

Maule, novembre 2022. Jeanine vivait dans un cabanon infesté de rats. LP/E.G.
Maule, novembre 2022. Jeanine vivait dans un cabanon infesté de rats. LP/E.G.

    Elle a rejoint son mari. Retrouvée morte au milieu des rats, il y a une dizaine de jours, dans son cabanon de jardin à Maule (Yvelines), Jeanine a été enterrée lundi 11 mars au cimetière communal où repose son époux depuis 2017. Révélée en novembre 2022, l’histoire de cette femme de presque 75 ans avait ému dans toute la France : elle vivait, seule et depuis des années, dans un chalet de jardin infesté par les rongeurs.

    Au lendemain des obsèques de leur mère, ses deux fils confient leur tristesse. Et elle est tenace. Car à leur deuil s’ajoutent depuis plusieurs jours des accusations insultantes d’abandon. Une double peine qui les meurtrit un peu plus.

    « Jamais nous ne l’avons abandonnée. Regardez, j’ai des photos ! se défend Thierry. Je suis venu chez elle réparer son toit, poser de nouveaux murs. J’allais la voir, j’achetais du pétrole pour son poêle, je tuais les rats. Ce qui se dit sur nous est révoltant », détaille-t-il avant de dévoiler un courrier anonyme et injurieux retrouvé le jour des obsèques…

    « Comment faire si elle ne voulait pas être aidée ? »

    Jean, son frère, assure l’avoir également invitée chez lui à plusieurs reprises. En vain. Jeanine, encore plus fragile depuis la mort de son mari, avait choisi de repousser toutes les mains tendues, optant pour la vie avec ses chats. Une forme de suicide social, l’isolant du reste du monde, comme un naufragé qui refuse de quitter son île déserte.

    « Comment imaginer que des enfants ne se préoccupent pas de leur maman ? demandent Jean et Thierry. Comment faire si elle ne voulait pas être aidée ? Nous n’avons rien à nous reprocher. On a tout fait pour elle. Si nous l’avions abandonnée, pourquoi serions-nous venus à son enterrement ? Tous ces commentaires salissant sur Internet, de gens qui jugent sans nous connaître, sont difficiles à digérer. Et nous devons l’affronter en plus de notre deuil. »

    Une vague d’attentions

    Et pourtant. La marginale n’était pas seule. Ses obsèques ont révélé l’attention que lui portait, finalement, tout un réseau de proches, d’amis ou de bénévoles touchés par la précarité de cette mère de famille. « Je suis venue car je me rendais chez elle de temps en temps. Son histoire m’avait affectée et je tenais à lui dire adieu », confiait ainsi une femme, en poussant, lundi matin, la porte de la petite église de Maule.

    La vieille dame, dont l'histoire avait bouleversée des milliers de personnes, repose au cimetière de Maule (Yvelines).
    La vieille dame, dont l'histoire avait bouleversée des milliers de personnes, repose au cimetière de Maule (Yvelines).

    À deux pas, deux autres patientent, un bouquet à la main. Ces bénévoles de la Croix-Rouge locale ont été présentes durant des mois au chevet de Jeanine. Lundi, elles oscillaient entre tristesse et colère. « Elle a été abandonnée », dit l’une, qui souhaite rester anonyme.

    L’histoire de Jeanine avait même bouleversé au-delà du cercle proche. En plus du dévouement des associations caritatives, des anonymes et personnalités avaient tenté lui venir en aide après la médiatisation de son quotidien. Babette de Rozières, la célèbre restauratrice et animatrice culinaire et conseillère régionale (LR), lui avait ainsi proposé une fin d’année 2022 féerique. Au programme : un dîner dans son très chic restaurant de Maule et un passage chez le coiffeur. Mais la vieille dame avait finalement décliné. Et avait passé l’hiver 2022 avec ses chats.