Patrimoine en Ile-de-France : à Saint-Arnoult (78), chez Aragon et Elsa Triolet

 Moulin de Villeneuve, la maison où vecurent Louis Aragon et Elsa Triolet.
Moulin de Villeneuve, la maison où vecurent Louis Aragon et Elsa Triolet. LP/ Jean-Baptiste Quentin

    Chaque semaine, le Parisien propose de découvrir un lieu riche en histoire en Ile-de-France. Cette semaine : la maison de Louis Aragon et Elsa Triolet à Saint-Arnoult-en-Yvelines.

    Il voulait pour elle, son Elsa, qui avait tant voyagé, loin de sa Russie natale, un « petit coin de terre de France ». Au Moulin de Villeneuve, à Saint-Arnoult-en-Yvelines, Louis Aragon et Elsa Triolet ont pu se poser, loin du tumulte parisien. Couple mythique de la littérature française, on les découvre ici dans leur intimité. Dans ce manoir au milieu de la campagne verdoyante, chaque meuble, chaque objet livre un morceau de vie des deux écrivains.

    Rien n'a bougé depuis leur passage et sur le large fauteuil en cuir, devant le bureau, on imagine Aragon, écrire poèmes et romans. Quand ils achètent la bâtisse en 1951, les deux ont la cinquantaine passée. Leur notoriété est déjà grande. Elle a été la première femme à recevoir le Goncourt, en 1945. Il est un directeur de journal, intellectuel engagé et a publié le recueil de poèmes « Les Yeux d'Elsa » quelques années plus tôt. « Pour la première fois, ils sont propriétaires, raconte Pierre Collas, responsable de la communication de la maison devenue musée en 1994.

    L'ancien moulin, d'abord résidence secondaire, devient le refuge où ils viennent se ressourcer de plus en plus souvent. » Ils débarquent en voiture, avec chauffeur, car aucun des deux n'a le permis.

    Ici, on lit beaucoup. On contemple, aussi, en se promenant dans le parc de cinq hectares où serpente la rivière Rémarde, ou le long du bief, qui passe sous la demeure. Elsa l'intellectuelle se découvre un vrai goût pour le jardinage. « J'écris mon roman et je m'occupe du jardin mais mon activité est paisible […]. Je regrette d'avoir raté la nature, pour ainsi dire. C'est une révélation sur mes vieux jours », écrit-elle dans une de ses nombreuses lettres à sa sœur Lily, en 1952.

    La décoration est signée Elsa. Dans la cuisine, elle a choisi les carreaux bleus de Delft, les mêmes que ceux de la maison de Monet à Giverny. Très manuelle, elle a fabriqué une lampe à partir d'une balance à grains. Des pagaies ramenées de son séjour à Tahiti servent de portants. Beaucoup d'objets ont été glanés dans les brocantes de la région. D'autres ont été offerts par d'illustres amis de passage. Partout, les livres, près de 30 000 au total, en russe, français, envahissent les murs. Dans un recoin, à l'étage, une petite porte intrigue. « C'est le placard à insomnies d'Elsa, détaille le spécialiste des lieux. Une collection de plusieurs centaines de romans policiers qu'elle dévorait, lors de ses nuits sans sommeil. »

    LP/Jean-Baptiste Quentin

    Épris du lieu, c'est ici que les deux amants veulent être enterrés. Elsa sera la première à partir en 1970, terrassée par une crise cardiaque, au milieu du jardin. Aragon rejoindra sa muse 12 ans plus tard sous cette lourde dalle de pierre au fond du parc, autorisée par dérogation présidentielle. « Sur la tombe, il n'y a pas le prénom Louis devant Aragon, note Pierre Collas. C'est un souhait de l'écrivain lui-même. Son père, Louis Andrieux, député, ne l'a jamais reconnu. Et on lui a longtemps fait croire que sa mère était sa sœur. C'est elle qui lui a révélé le lourd secret, sur un quai de gare, en 1918, alors qu'il s'apprêtait à partir sur le front ».

    Aragon lègue le Moulin à l'Etat en 1976, pour qu'il devienne un lieu de recherche et de création. De nombreuses œuvres d'art contemporain sont exposées dans le parc.

    Moulin de Villeneuve, Saint-Arnoult-en-Yvelines. Ouvert tous les jours de 14 à 18 heures. Tarif : 5 à 9 €. Tél. 01.30.41.20.15. www.maison-triolet-aragon.com. Dans le cadre du Printemps des poètes, un parcours a été imaginé dans les rues de Saint-Arnoult sur le thème de l'Afrique. Il est visible jusqu'au 16 avril.

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