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«Nos Daron·ne·s» : une web-série pour parler autrement de l’immigration

Avec ce documentaire participatif qui met en scène des parents et leurs enfants, l’association Ghett’Up invite toutes les générations issues de l’immigration à se questionner et à se réapproprier leur histoire.
publié le 21 mars 2021 à 16h26
(mis à jour le 21 mars 2021 à 16h26)

«Des histoires construites entre ici et ailleurs», c’est ce qui est au cœur de la web-série participative inédite Nos Daron·ne·s. Une diversité de récits sur les raisons, les appréhensions et les difficultés liées au départ et à l’arrivée sur un territoire, raconté bien souvent au travers d’échanges intergénérationnels. Une initiative de Ghett’Up, une association qui lutte pour plus de justice sociale dans les quartiers populaires depuis 2016. «On a voulu rendre visibles les discours de nos parents. C’est une manière pour nous de leur rendre leur importance, parce qu’on trouve que ce n’est pas assez fait, explique Inès Seddiki, présidente de Ghett’Up.

A chaque épisode, un parent seul ou accompagné de son enfant, ou un expert, échangent autour de leurs expériences personnelles liées à l’immigration en France. Huit épisodes de cinq à dix minutes sont actuellement disponibles sur YouTube. La première d’entre elles a été publiée le 1er janvier, en hommage à ces immigrés à la date de naissance inconnue, établie par défaut au premier jour de l’année par l’administration française.

Dialogues parent-enfant

Naïma Yahi, historienne et marraine du projet de Ghett’Up, voit dans Nos Daron·ne·s un projet innovant qui, au-delà de simplement «raconter les histoires des parents», vise à initier un vrai dialogue entre générations. Les duos parents-enfants sont l’une des principales forces du projet de l’association. Chaque binôme répond à tour de rôle à plusieurs questions : Quel était ton plus grand rêve à 12 ans ? Pour toi, que signifie la France et ton pays d’origine ? Quel est le plus grand sacrifice que tes parents ont fait pour toi ? Est-ce que tu t’es déjà fait discriminer à cause de ton origine ? etc. Elles leur permettent d’aborder ensemble, parfois pour la première fois, certains souvenirs et réflexions personnelles.

Danny Tum et sa fille, Sothany, 21 ans, ont été les premières à prendre part à la série. La mère de famille a fui le régime des khmers rouges au Cambodge, dans les années 70, à l’âge de 14 ans avec une partie de ses proches. Si Danny Tum livre un témoignage rempli d’humilité pour son pays d’accueil, sa fille parle avec assurance et gratitude de son rapport au pays qui l’a vue naître, la France, et de son pays d’origine, le Cambodge.

Se réapproprier son histoire

Tout au long de l’épisode, Sothany explique les raisons pour lesquelles elle est fière de sa mère. Pour les membres de Ghett’Up, ce sentiment constitue un élément indispensable à sa propre construction. «Encore trop de jeunes aujourd’hui développent un sentiment d’illégitimité. C’est en partie à cause de la place qu’occupent leurs parents dans leur imaginaire et dans celui des autres. Cela influence directement leur estime de soi en France, car leurs parents, c’est la première chose qui les lient à ce pays», analyse Inès Seddiki. Avec cette série, Ghett’Up espère que les jeunes pourront se réapproprier leur histoire à travers celles de leurs parents, afin de leur permettre de mieux se projeter dans l’avenir.

Ghett’Up compte sur Facebook, Twitter ou Instagram pour faire en sorte que les jeunes et leurs parents se saisissent de la série et initient le dialogue. «Certains parents ont du mal à parler de leur immigration avec leurs enfants, par pudeur ou par traumatisme. Ce n’est pas facile pour tout monde de quitter les outre-mers ou un pays étranger pour vivre en métropole», raconte Inès Seddiki.

L’utilisation des réseaux sociaux par l’association vise aussi à attirer un autre public, celles et ceux qui n’ont pas l’habitude d’écouter des conférences sur les histoires de l’immigration ou de voir des expositions sur ces thématiques, mais qui fréquentent ces différentes plateformes. Et qui souhaitent découvrir une partie de ces visages qui composent la communauté nationale.

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