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Climat Libé Tour Bordeaux: reportage

Construction: en Gironde, Chapeau et bottes, une association pleine de savoir-terre

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Depuis 2019, cette structure propose des stages pour apprendre à bâtir autrement, avec des matériaux tels la paille, l’argile, le sable, le limon ou les graviers, afin de «créer des maisons plus résistantes aux intempéries et à la chaleur».
par Eva Fonteneau, correspondante à Bordeaux
publié le 8 février 2024 à 23h48
(mis à jour le 9 février 2024 à 15h51)

«Quand je me suis lancée dans la construction de notre maison avec mon compagnon, je ne savais même pas poser une étagère», se souvient amusée Amélie Bourquard, installée à Saint-Sève, un petit village girondin. A ce moment de sa vie, la jeune femme a une seule certitude : de la même manière qu’elle s’est intéressée à la permaculture pour mieux manger, elle veut désormais vivre dans un logement sain, durable, écologiquement responsable. L’aboutissement d’un long cheminement personnel.

Leur rencontre avec deux autoconstructeurs qui utilisent de la terre crue pour réhabiliter leur maison est décisive. Le couple de Girondins découvre qu’il est possible de construire un bâtiment en mélangeant des ressources locales comme la paille, l’argile, le sable, le limon ou les graviers, en proportions différentes selon les territoires. «Tout ce que nous avons sous la main et sous nos pieds finalement», résume Amélie Bourquard. Faire chauffer à des milliers de degrés des cailloux ou du sable pour ériger une maison lui apparaît soudainement «inconscient». «On a eu envie de le crier au monde entier ! retrace-t-elle. C’est un savoir-faire qui s’est perdu au fil des millénaires alors qu’il est pourtant très accessible et permet de créer des maisons plus résistantes aux intempéries et à la chaleur. On l’a en grande partie oublié après la Seconde Guerre mondiale et l’avènement des matériaux dits industriels.» En 2019, brûlant de partager son expérience et de transmettre ses nouvelles connaissances, elle monte l’association Chapeau et bottes. Le bien nommé centre de formation se donne pour objectif de proposer plusieurs stages dédiés à l’architecture et aux techniques de construction écologiques.

Cinq ans plus tard, c’est une affaire qui roule et passionne de plus en plus d’adeptes de la réhabilitation et construction durable. Amélie Bourquard est devenue salariée et le conseil d’administration s’est étoffé avec la présence de sept membres bénévoles, en majorité des architectes. Chapeau et bottes est même devenue membre de la Confédération de la construction en terre crue qui recommande l’usage de la terre comme une alternative efficace à la climatisation pour faire face au réchauffement et aux nombreux épisodes caniculaires qui s’aggravent chaque année. «On s’est rapidement rendu compte que l’engouement dépassait les frontières du département, on a donc bâti un programme de formation et de sensibilisation qui s’adresse aussi bien aux particuliers qu’aux professionnels qui veulent acquérir de nouvelles compétences. Les gens peuvent venir de tout le pays pour suivre nos apprentissages», détaille la fondatrice. Des stages de deux jours en petit groupe – maximum huit – permettent notamment d’apprendre à réaliser des briques et les maçonner pour apporter de l’inertie, à reconnaître et connaître la composition de la terre crue, à réaliser des enduits… Pour ce type de prestation, les participants payent entre 120 à 500 euros, avec des réductions pour les étudiants, les chômeurs. Des sessions qualifiantes de cinq jours viennent compléter l’offre et s’adressent plus particulièrement aux architectes, bureaux d’études et aux artisans en collectivité territoriale. En 2023, l’association a formé une trentaine de personnes.

«Les gens qui viennent nous voir ont un peu tous les profils. On a des gens en reconversion, des personnes avec des projets très précis en tête, d’autres qui ont reçu un bon cadeau… Mais la plupart ont un point en commun : l’architecture en terre crue, parce qu’elle requiert très peu d’énergie pour la production et n’utilise pas de produits chimiques ou autres matériaux nocifs, correspond à leur style de vie. Ils sont tous très sensibles à leur environnement», analyse Amélie Bourquard.

David, originaire des Pays-de-la-Loire, fait partie des participants qui ont suivi toutes les sessions l’an dernier. Après un burn-out dans le domaine de la restauration et un grave accident de vélo qui a failli lui coûter la vie, il a décidé de se réorienter vers un mode de vie plus frugal. «Je me suis d’abord formé à la permaculture, pour apprendre à faire pousser moi-même ma nourriture. Maintenant, j’aimerais construire une maison plus écologique. Les différentes sessions que j’ai suivies sont un pont vers cette nouvelle étape. L’expérience a été ultra-enrichissante», se félicite le trentenaire. Pour toucher un public de plus en plus large, Chapeau et bottes propose désormais des formations dans le Limousin en plus de Bordeaux. «Ça nous permet de toucher des populations éloignées des grands bassins», précise la fondatrice, qui avance toujours avec une seule boussole en tête : partager son savoir-faire au plus grand nombre pour recréer le déclic qu’elle a elle-même connu.

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