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Climat Libé Tour

«Proposer un nouveau regard sur les quartiers populaires»

Climat Libé Tourdossier
Sarah Ichou, directrice du Bondy Blog, revient sur le traitement médiatique des banlieues et la difficulté d’y faire vivre les problématiques écologiques.
par Fleur Martinho, étudiante journaliste au CFJ
publié le 30 mars 2024 à 15h52

Depuis ses débuts, le Climat Libé Tour, événement tourné vers la jeunesse, associe à chacune de ses étapes une école de journalistes locale (CFJ à Paris, ESJ à Lille ou Dunkerque, Ejcam à Marseille, Ijba à Bordeaux) afin que les étudiants couvrent, avec leurs regards, l’actualité des forums. Reportages, comptes rendus, portraits, photos et édition… Ces articles sont issus de leur travail.

«Quand on parle des quartiers populaires, on ne pense pas à l’écologie. Pourtant, c’est un sujet qui compte pour ses habitants, et ce depuis des décennies.» Sarah Ichou, directrice du Bondy Blog, était invitée, ce samedi 30 mars, à l’Académie du Climat, pour une nouvelle étape parisienne du Climat Libé Tour. Depuis 2005, le pure-player donne la parole aux habitants des quartiers populaires, en réponse aux nombreuses représentations médiatiques, souvent négatives. Rencontre en marge du débat «Peut-on faire écologie ensemble ?» auquel la journaliste participait en compagnie de François Ruffin, député LFI, et Pascal Demurger, directeur général de la Maif.

«Faire ensemble», c’est le thème de cette conférence. Le traitement médiatique des quartiers populaires a-t-il une responsabilité dans l’approche de la question écologique ?

Quand on pense aux quartiers populaires, on ne pense pas à l’écologie. Il y a tellement d’autres images qui sont collées à ces quartiers. On pense à des images de feux, de criminalité, de danger parce qu’il y a, malheureusement, une construction médiatique qui est encore ancrée sur ces sujets. Il y a encore quelques mois, l’après-Nahel et les représentations médiatiques de ces révoltes, notamment télévisuelles, étaient catastrophiques. Quand on est dans une représentation très sensationnelle comme ça a pu être le cas, le traitement de l’écologie dans les quartiers populaires ne colle pas à ce qui est attendu.

Par exemple, on m’a déjà dit qu’on devait m’avoir en plateau sur un sujet et, rapidement, on m’a finalement annoncé : «La séquence quartier populaire est terminée.» C’est là tout le problème : il y a des «séquences» quartiers populaires avec des images bien précises, celles du feu, de la violence… Il y a une espèce de scénario. Sur l’écologie, nous ne sommes pas invités au départ, il y a deux mondes différents, celui de l’écologie blanche, parisienne et bobo, et celui des quartiers.

Comment le Bondy Blog traite-t-il l’écologie ?

On traite l’écologie de notre point de vue, de manière transversale. Récemment, on a créé une rubrique dédiée à ce thème, justement parce qu’il y avait énormément de sujets sur les questions écologiques. Que ce soit au Bondy Blog ou dans la vraie vie, c’est un sujet qui est au croisement d’autres thématiques, comme les questions de logements, de transports…

Quand on vit dans un quartier populaire, on n’a pas forcément le temps et la possibilité de conscientiser l’écologie. Evidemment qu’il s’agit d’un sujet central, mais il faut avoir le temps de mettre la chose au centre des préoccupations ; parce que, par exemple, quand on a un enfant, qu’on doit le mettre à l’école et qu’il n’y a pas assez de chaises, que le plafond tombe, voire qu’il n’y a pas d’école du tout, la question de l’écologie arrive après !

Comment ce regard médiatique évolue-t-il ?

Nous ne sommes plus les seuls à parler des quartiers populaires. Il y a de nouveaux médias avec d’autres grilles de lecture ; des médias qui se créent comme Plume Banlieue, Banlieusard Nouveau, et dans certaines rédactions, on évolue aussi, même si c’est un changement qui est très long. Heureusement que cela bouge, car si on ne prenait que la représentation faite à la télé…

Aujourd’hui, on a formé plein de journalistes via la prépa Egalité des chances ou via l’action du Bondy Blog. Ils rejoignent d’autres rédactions, souvent «mainstream», qui ne nous ressemblent pas forcément. On espère qu’à un moment donné, ces personnes pourront réussir à faire évoluer la ligne éditoriale de ces médias.

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