Iberdrola inaugure l'infernal parc éolien en mer de Saint-Brieuc, métamorphosé en succès

Jusqu’au bout, le projet le parc éolien de Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor) aura rencontré des vents contraires. Et c’est sans ministre de l’Energie que le PDG d’Iberdrola, Ignacio Sánchez Galán, a inauguré le quatrième parc éolien en mer de l’énergéticien espagnol le 19 septembre. Alors que ce dernier a été mis en service il y a près de quatre mois déjà, le 28 mai.

Après un bon accueil initial, ce projet gagné en 2012, qui a obtenu toutes ses autorisations en 2017, a ensuite fait face à moult recours et des oppositions féroces des riverains et des pêcheurs, récupérées par les politiques de tous bords, malgré des aménagements très contraignants consentis sur le projet.

Pour répondre notamment aux exigences des pêcheurs et sortir de la zone de pêche principale des coquilles Saint-Jacques, la zone du parc a été décalée de 6 km au nord vers des fonds rocheux (sur lesquels il est beaucoup plus compliqué d’installer des éoliennes) et les câbles ont été enterrés. Pour minimiser l’impact sur l’environnement, c’est un modèle de fondation en trépied, aussi dit jacket, et un système de forage et non de battage des pieux, plus silencieux, qui a été choisi. Portant le coût du projet à 2,4 milliards d’euros.

Un improbable tourisme industriel

Malgré ces contraintes, qui ont fait du parc breton «un des projets éoliens en mer le plus complexe au monde», Saint Brieuc «est un succès», assure Emmanuel Rollin, le directeur d’Iberdrola France. Le jour de l’inauguration, 60 des 62 éoliennes de 8 MW fabriquées par Siemens Gamesa au Havre (Manche) sont bien en production, deux étant en maintenance programmée. Elles vont produire 1820 GWh par an, soit 9% de l’électricité consommée en Bretagne.

Les activités de pêche ont intégralement repris cet été à l’intérieur du parc, avec des pêcheurs qui observent même que la ressource, loin d’avoir diminué, aurait même pour certaines espèces augmenté. La pêche à la coquille Saint-Jacques, trésor de la Baie de Saint-Brieuc, n’a pas été dérangée par les travaux. Elle aurait même été particulièrement fructueuse ces deux dernières années. Plus inattendue, une activité touristique s’est développée depuis 2023 autour du parc, avec des visites organisées en bateau notamment par les Vedettes de Bréhat, qui a emmené 5000 curieux en 2023 et 10000 en 2024.

Qu’importe donc à Iberdrola que le nouveau Premier ministre, Michel Barnier s’était, comme d’autres, exprimé assez durement contre le projet en 2021. «Il était mal renseigné», excuse Emmanuel Rollin. Selon, lui, le parc de Saint-Brieuc est même aujourd’hui une vitrine du savoir-faire de l’énergéticien espagnol dans l’éolien en mer posé. «Après Saint-Brieuc, on peut faire n’importe quel projet », répètent les équipes d’Iberdola France.

L’espagnol, qui opère aussi les parcs de West of Duddon Sands en mer d'Irlande, Wikinger en mer Baltique et East Anglia One en mer du Nord, a déjà capitalisé sur cette expérience hors norme en gagnant le premier parc en mer aux Etats-Unis, Vineyard Wind 1, qui va être construit en 2025-2026 avec des éoliennes GE de 13 MW fabriquées à Saint-Nazaire et Cherbourg. «Nous avons déjà investi autour de 15 milliards d'euros sur les parcs éoliens qui sont maintenant déjà finis. Et cet été, on a gagné deux autres parcs éoliens, un pour les États-Unis et un autre pour l'Angleterre, soit 10 milliards d'investissements supplémentaires», s’est félicité Ignacio Sánchez Galán lors d’un point avec la presse la veille de l’inauguration.

Des pêcheurs presque contents

Le PDG d’Iberdrola a aussi rappelé l’héritage du projet de Saint-Brieuc, qui laisse sur le polder de Brest (Finistère) une infrastructure, construite pour l'assemblage d'une partie des jackets par le consortium Navantia Windar et ses sous-traitants et des mâts des 62 éoliennes par la société Haizea Breizh. Elle est maintenant occupée par Engie pour les projets de Yeux-Noirmoutier et Dieppe-Le Tréport. Et un accord a enfin été conclu avec le port de Saint-Quay-Portrieux, pour qu’Iberdrola y installe d’ici à cinq ans son centre de maintenance, avec notamment la construction d’un nouveau ponton.

En attendant, la maintenance s’effectue en mer jusqu’en 2028 par des équipes de Siemens Gamesa sur le navire Guëlo Enabler, basé actuellement à Saint-Malo. Pour qu’il puisse plus facilement éviter les casiers des pêcheurs, des bouées visibles par le radar du navire ont été fabriquées par d’anciens pécheurs de Paimpol.

La fronde des pécheurs bretons contre le parc éolien semble bel et bien éteinte. «On est voisin avec les pêcheurs et cela se passe bien», constate Emmanuel Rollin, qui préfère malgré tout rester prudent dans ses propos. L’opposition au parc n’a en effet pas disparu. «L’opposition à l’éolien en France est très organisée et s’est professionnalisée», constate le responsable d’Iberdrola.

Mais pas de quoi renoncer à répondre aux nouveaux appels d’offres. «La France est un pays stratégique pour nous», a rappelé Ignacio Galán lors de l’inauguration. Néanmoins, Iberdrola ne voulant pas s'aventurer dans l'éolien flottant, les opportunités de construire d'autres parcs sur les côtes françaises parc s'amenuisent.