« Qanat » : différence entre les versions

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Le mot « qanat » a pour origine l'[[akkadien]] ''{{lang|akk|qanu}}'' qui signifie « roseau », qui donna l'[[araméen]] ''{{lang|arc|qana}}''. Ce terme a été repris ultérieurement dans des [[langues sémitiques]] et non sémitiques, comme le [[grec ancien]] ({{lang|grc|κάννα}}), le [[latin]] (''{{lang|la|canna}}'') et l'arabe ({{lang|ar|قناة}} ''qanat''). Il est à l'origine du mot canal. Il semble curieusement absent de l'ancienne langue persane, mais il est en revanche plus courant dans la langue persane moderne, {{lang|fa|قنات}}. La variante latine ''cannalis'' signifie « qui a la forme d'un roseau » et a aussi le sens de « tuyau, galerie »<ref name="Iman111" />.
 
Il existe divers termes pour désigner les galeries drainantes selon les régions : ''[[khettara]]'' ou ''kheltara'' au Maroc, ''foggara'' (pluriel ''feggagir'') ou ''fughara'' en Algérie et au Sahara<ref name="Iman111">{{harv|Iman|2011|p=111-113}}</ref> (de l'arabe ''fakara'', creuser la terre<ref name=":3">{{Article|langue=fr|prénom1=M.|nom1=Gast|titre=Foggara|périodique=Encyclopédie berbère|numéro=19|date=1998-02-01|issn=1015-7344|doi=10.4000/encyclopedieberbere.1951|lire en ligne=https://journals.openedition.org/encyclopedieberbere/1951|consulté le=2023-08-04|pages=2868–2880}}</ref>), ''kriga'' ou ''ngoula'' (''ngula'') en Tunisie<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Éric|nom1=Mollard|prénom2=Annie|nom2=Walter|titre=Agricultures singulières|éditeur=IRD Editions|date=2013-12-02|isbn=978-2-7099-1623-3|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=q6nyjcfiB6EC&newbks=0&printsec=frontcover&pg=PA217&dq=foggara+tunisie&hl=fr|consulté le=2023-08-04}}</ref>, ''taphet'' au Moyen-Orient<ref>{{Lien web |titre=IRD Multimédia |url=https://multimedia.ird.fr/IRD/media/10453 |site=multimedia.ird.fr |consulté le=2023-08-04}}</ref>, ''kārīz'' (du persan {{lang|fa|كاهریز}} ou ''kārēz'' {{lang|fa|كاريز}}) en Iran, Afghanistan, au Pakistan et en Asie Centrale<ref name=":1">{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Clara Arnaud|champ libre=Grand Prix 2009 de la fondation Zellidja|titre=Sur les chemins de Chine|sous-titre=récit de voyage|lieu=Montfort-en-Chalosse|éditeur=Gaïa éditions|collection=Kayak|date=DL octobre 2018|année première édition=2010|pages totales=262|passage=93,101,105|isbn=978-2-84720-884-9|isbn2=2847208844|oclc=1061218188|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/1061218188|consulté le=2019-01-28|numéro chapitre=5|titre chapitre=Oasis d'espoir}}</ref> ; ''kahan'' (du persan {{lang|fa|کهن}}) ou ''kahriz/kəhriz'' en Azerbaijan et au [[Baloutchistan]], ''galeríagaleria'' en Espagne, ''falaj'' aux Émirats Arabes et en Oman. Il existe d'autres termes utilisés en Asie et en Afrique du Nord, tels que ''kakuriz, chin-avulz'' et ''mayun''. En [[tamahaq]], ''efeli'' (plur. ''ifelan''), en kabyle et mozabite ''targa'' (plur. ''targat''), ''chegga'' au [[Hodna]] pour les petites foggaras<ref name=":3" />, ''falağ'' (plur. ''aflağ'') à Oman<ref>Wilkinson, 1977</ref>.
 
== Description technique ==
[[Fichier:Qanat illustration-fr.svg|vignette|redresse=1.4|Schéma de principe d'un qanat.]]
[[Fichier:Kashan - qanat entrance.jpg|vignette|redresse|Escalier menant à un qanat à Kashan.]]
L'historien [[Henri Goblot (historien)|Henri Goblot]] décrit le « qanàtqanat » comme {{Citation|une technique de caractère minier qui consiste à exploiter des nappes d'eau souterraines au moyen de galeries drainantes}}. Le terme est utilisé par les scientifiques francophones pour désigner ce type d'ouvrage en général, sans référence à une région géographique particulière.
 
Les ''qanats'' constituent l'une des avancées techniques les plus importantes de l'histoire de l'irrigation en Iran. Les premiers ''qanats'' auraient été creusés dans le nord-ouest du plateau iranien vers la fin du {{-m|I|er}}, à partir de techniques [[Mine (gisement)|minières]]. D'après Henri Goblot, les mineurs de charbon auraient développé ce système de canaux pour extraire l'eau<ref>Le problème de l'extraction de l'eau dans les mines de charbon est réel. Les houillères de Lorraine, par exemple, produisaient chaque jour trois fois plus d'eau (non potable) que de charbon, en tonnage. Bertrand Schwartz, ''Cours d'exploitation des mines'', 1957</ref> des mines<ref>Henri Goblot, ''Les Qanats : une technique d'acquisition de l'eau'', Paris, École des hautes études en sciences sociales, 1979.</ref>.
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Le ''qanat'', qui est une sorte d'aqueduc souterrain, s'est ensuite répandu sur le plateau iranien, puis encore plus loin, au temps des [[Achéménides]], permettant de créer de nouvelles zones habitables.
 
Malgré des différences de caractéristiques (longueur, profondeur, type de sol creusé…) que l'on peut trouver entre les ''qanats'', ils mesurent typiquement plus de {{unité|500|m}} de long. Le "puits mère" où commence un qanat est souvent profond de plus de {{unité|10|m}}. Le plus long et le plus ancien ''qanat'' connu au monde mesure 71 km (à [./Https://{{lien|lang=en.wikipedia.org/wiki/|trad=Zarach,_Iran Zarch]Iran|fr=Zarach}} en Iran), et le puits mère le plus profond mesure plus de {{unité|300|m}} (à [[Gonabad]]). Les régions de [[Yazd]], de [[Kerman]] et de [[Gonabad]] sont connues pour leur dépendance à un système extensif de ''qanats''.
 
L'écoulement souterrain évite deux problèmes : l'évaporation et le développement de formes organiques. Les qanats n'ayant pas besoin d'entretien, au {{s-|XIX|e}} leur caractère artificiel avait été oublié. L'eau qui en sortait était considérée comme venant d'une [[Source (hydrologie)|source]] naturelle, ce qui paraissait impossible aux géologues. On fit alors des recherches qui établirent leur caractère artificiel<ref>''Qanats'', article dans ''Scientific American''</ref>.
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Turpan-karez-museo-d03.jpg|Creusement de la galerie.
Turpan-karez-museo-d05.jpg|Outil de repérage dans la galerie.
Turpan-karez-museo-d06.jpg|[[Treuil]] servant àhisserà hisser l'ouvrier et à extraire les déblais.
Turpan-karez-maqueta-d01.jpg|Maquette montrant des alignements de puits de plusieurs qanats.
</gallery>
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{{article détaillé|Méthodes d'irrigation traditionnelles en Iran}}
 
Le qanat de Zarch, le plus long d'Iran, mesure {{unité|71|km}} et comporte {{nombre|2115 puits}} de visite verticaux. C'est également le plus ancien, puisqu'il est daté de {{nombre|3000|ans}}<ref name="Ancient Water" />. On a recensé à ce jour {{formatnum:nombre|33000}} qanats}} opérationnels en Iran<ref name="Ancient Water">''Ancient Water Technologies'' {{ISBN|978-90-481-8631-0}}</ref>.
 
Les qanats sont mentionnés dans les ''[[Histoires (Polybe)|Histoires]]'' (livre X-28) de l'historien grec [[Polybe]], écrites au {{s-|II}} avant notre ère. Y sont décrits les réseaux souterrains de puits et de galeries construits par les Perses pour amener l'eau jusque dans les déserts<ref>Pierre Briant, « [https://www.academia.edu/1440143/Irrigation_et_drainage_dans_lAntiquite_qanats_et_canalisations_souterraines_en_Iran_en_Egypte_et_en_Grece Irrigation et drainage dans l'Antiquité, qanâts et canalisations souterraines en Iran, en Égypte et en Grècemore] », séminaire au Collège de France</ref>.
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Les marchands ou les propriétaires terriens s'associaient localement pour financer la construction des ''qanats''. L'unification politique n'a donc pas été facilitée par ce procédé. Quand les parts d'un ''qanat'' sont disproportionnées, des problèmes apparaissent quant à leur maintenance, et ces difficultés ont servi d'arguments contre la réforme agraire des années 1960.
 
Au milieu du {{s-|XX|e}}, on estimait à environ {{formatnum:50000}} le nombre de ''qanats'' utilisés en [[Iran]]. Le système a l'avantage de résister aux désastres naturels (tremblements de terre, inondations…) et humains (destructions en temps de guerre), et d'être peu sensible aux niveaux des [[précipitations]]. Un ''qanat'' délivre typiquement un débit de {{unité|8000|m|3}} par {{nobr|24 heures}}.
 
=== Égypte ===
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* La [[nappe des foggaras]] : plus profonde que la précédente, elle se rapproche de la surface dans le [[plateau du Tadmaït]], ce qui permet de l'atteindre en creusant des galeries horizontales, ''les foggaras''.
 
* La [[Nappe de l'Albien (Algérie)|nappe albienne]] : très profonde (plusieurs centaines de mètres), immense (elle recouvre tout le Sahara central jusqu'en Libye), elle semble inépuisable. Elle est donc utilisée pour des projets conséquentsimportants d’irrigation (comme près d’[[Adrar (ville d'Algérie)|Adrar]]).
 
Les '''savoirs et savoir-faire des mesureurs d'eau des foggaras ou aiguadiers du [[Touat]]-[[Tidikelt]]''' sont inscrits sur la [[liste du patrimoine immatériel nécessitant une sauvegarde urgente]] le {{date|28 novembre 2018}}<ref>{{Lien web |url=https://ich.unesco.org/fr/actualites/sept-nouveaux-elements-inscrits-sur-la-liste-de-sauvegarde-urgente-00326 |titre=Sept nouveaux éléments inscrits sur la Liste de sauvegarde urgente |date=28 novembre 2018 |site=UNESCO |consulté le={{1er}} décembre 2018}}</ref>.
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Conquête, raids, commerce caravanier et riche agriculture irriguée : les foggaras ont donné aux Garamantes de l'Antiquité, population du Sahara libyen localisés dans la [[Garamantie (Antiquité)|Garamantie]], les ressources pour construire une civilisation urbaine dans le désert<ref name=":2">{{Lien web |langue=en-US |prénom=Current World |nom=Archaeology |titre=Garama: an ancient civilisation in the Central Sahara |url=https://www.world-archaeology.com/features/garamantes-libya/ |site=World Archaeology |date=2005-01-07 |consulté le=2023-08-04}}</ref>.
 
Les ingénieurs [[garamantes]], inspirés par les méthodes d'irrigation développées en Perse et en Égypte, ont creusé de longs canaux souterrains - les foggaras - pour capter l'eau emprisonnée dans l'aquifère à la base de l'escarpement et la conduire dans la vallée, où elle coulait en continu dans l'oasis et en a fait un jardin d'Eden. Les canaux étaient généralement très étroits - moins de {{nobr|2 pieds}} de large et 5 de haut - mais certains mesuraient plusieurs kilomètres de long, et au total quelque {{nobr|600 foggaras}} s'étendaient sur des centaines de kilomètres sous terre. Les canaux ont été creusés et entretenus à l'aide d'une série de puits verticaux régulièrement espacés, un tous les {{nobr|30 pieds}} environ, 100 000{{nombre|100000}} au total, d'une profondeur moyenne de {{nobr|30 pieds}}, mais atteignant parfois {{nobr|130 pieds}}<ref name=":2" />.
 
Souvent coupé à travers le sable, le gravier et l'argile, mais parfois à travers la roche, la construction et l'entretien de ce vaste système ont dû consommer un grand nombre d'esclaves - travaillant dans la chaleur torride du Sahara près de la surface, ou dans l'obscurité et le danger du passages étroits profondément souterrains. Grâce à leur travail, les Garamantes ont cultivé le désert et se sont régalés de dattes, de raisins, d'olives, de figues, de sorgho, de millet, d'orge et de blé cultivés localement, complétés par des morceaux de bœuf, d'agneau et de porc élevés localement<ref name=":2" />.
 
L'emprise des rois garamantes sur le pouvoir a peut-être glissé et l'approvisionnement en esclaves pour entretenir le système d'irrigation s'est épuisé. Ou peut-être que les aquifères se sont asséchés. Certes, ils sont secs maintenant. On estime qu'en six siècles, les Garamantes ont extrait {{nobr|30 milliards de gallons d'eau}} - une « eau fossile » non renouvelable - et la nappe phréatique a dû baisser progressivement jusqu'à, peut-être, tomber en dessous du niveau des foggaras et les laisser aussi secs comme le désert<ref name=":2" />.
 
==== Tunisie ====
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==== Maroc ====
 
Le dispositif est connu au Maroc sous le nom de khettara. Il s'est particulièrement développé dans la région de Marrakech (le Haouz) ainsi que dans les oasis pré-sahariennes, tout particulièrement dans le Tafilalet et l'oasis de [[Skoura]].{{article détaillé|Khattara}}
 
=== Émirats arabes unis et Oman ===
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[[File:Yazd Water Museum (Iran).jpg|thumb|Le [[Musée de l'eau de Yazd]], dans une maison ancienne avec cour]]
 
== MuséeMusées ==
 
Le [[Musée de l'eau de Yazd]], au centre de l'[[Iran]], fondé en 2000, est dédié en grande partie à l'exposé du système des qanat.
 
Le [[Musée Aman]] ou Musée Mohamed VI pour la civilisation de l'eau détaille entre autres, le patrimoine hydraulique rural traditionnel marocain dont les khettara.
 
== Dans la fiction ==
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* {{lien web |auteur1=Marcel-M. Chartier |titre=Contrôle de l'eau et communautés agraires en Islam |url=https://www.persee.fr/doc/geo_0003-4010_1966_num_75_409_17264 |site=persee.fr |date=1966 |consulté le=25-05-2022 }}
* {{lien web |auteur1=Pierre Guichard |titre=L'eau dans le monde musulman médiéval |url=https://www.persee.fr/doc/mom_0766-0510_1982_sem_3_1_2023 |site=persee.fr |date=1982 |consulté le=25-05-2022 }}
{{Liens}}
 
{{Palette|Irrigation et drainage|Patrimoine mondial en Iran|Patrimoine culturel immatériel de l'humanité en Algérie}}
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